Depuis des années voire des décennies, c’est toujours la même chanson. La France serait lourdement endettée et vivrait au-dessus de ses moyens. Il faudrait donc réduire ses dépenses. Soit moins de fonctionnaires, de services publics et de protection sociale. Tout cela, au détriment de la population mais pour le plus grand bonheur des acteurs privés qui n'attendent que ça pour capter de nouveaux marchés. Mais ne serait-ce pas le but des politiques néolibérales à la mode austéritaire ?
C’est cette grosse ficelle qu’à une nouvelle fois tirée François Bayrou semaine dernière. Dans un contexte de relâchement des règles budgétaires européennes, où même l’Allemagne décide de tourner le dos à l’orthodoxie budgétaire, Bayrou veut, à l’inverse, réduire les dépenses publiques de 110 milliards d’euros en 5 ans ! Objectif, ou plutôt obsession gouvernementale, revenir sous la barre des 3 % de déficit rapportés au PIB. Rappelons au passage que cette règle européenne des 3 % ne correspond à aucune réalité économique et a encore moins de valeur scientifique : elle fut en effet décidée sur un coin de table ! En somme, après les coupes budgétaires récentes, il s'agit de commencer par faire 40 milliards d’euros d’économie en 2026 sans augmenter les impôts. Or la dépense publique c’est de la cohésion sociale mais également de l’activité économique et donc de l’impôt en plus. Couper dans les dépenses, ce sera donc moins de recettes et au final plus de déficit. L’exact inverse de ce qui est soit disant recherché.
Certes, le pays est endetté. Pourtant la finance ne se détourne pas de la France, bien au contraire, elle se presse à sa porte car lui prêter de l’argent, ça rapporte gros. 65 milliards en 2025 ! Le problème, c’est précisément de devoir recourir systématiquement à l’emprunt et de dépendre des marchés financiers, faute d'avoir rééquilibré le système fiscal.
Faire davantage payer les plus riches et les plus grandes entreprises ? Bayrou et Macron s’y refusent avec obstination. Cela ferait fuir les riches, prétendent-ils. Si tel était le cas, la France, pays souvent présenté comme « le plus taxé au monde », n’aurait aucun riche ni même aucune entreprise sur son sol. Or, elle reste un pays attractif pour les riches, leurs affaires y sont florissantes (100 milliards de dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 en 2024) et leur classe sociale est deux fois moins taxée en moyenne que les autres classes. Un minimum d’égalité et donc de justice fiscale permettrait de soigner les recettes, sans s’engager sur la voie de l’austérité.
Les solutions existent donc. Et elles passent par plus de recettes. Mais pas n’importe lesquelles ! A titre d’exemple, la taxe dite « Zucman », validée par l’Assemblée Nationale, se propose de taxer à hauteur de 2 % les patrimoines des ultra riches (c'est-à-dire au-delà des 100 millions d’euros) : à elle seule, elle pourrait rapporter de 15 à 25 milliards d’euros par an. Mais François Bayrou y est opposé : à la place il propose d’augmenter l’impôt sur les sociétés pour un gain espéré de 2 milliards. Et seulement sur un an. Un symbole, presque un pourboire.
Et si Bayrou refuse de relever l’impôt et à instaurer davantage de justice fiscale, d’autres leviers peuvent être mobilisés. Il pourrait ainsi vraiment renforcer (enfin !) la lutte contre la fraude fiscale : entre 80 et 100 milliards d’euros sont en jeu par an. N’en récupérer que le tiers permettrait de dégager près de 30 milliards d’euros. Il pourrait aussi tailler dans les dépenses d’aides aux entreprises, plus de 150 milliards par an, ce qui fait du patronat français l’un des plus assistés de la planète, ou encore supprimer les niches fiscales qui n’ont aucune utilité sociale, sont anti écologiques, injustes ou encore inefficaces. A l’opposé, Amélie de Montchalin dit réfléchir à supprimer l'abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraité·es en matière d’impôt sur le revenu. Et jamais en reste, Bayrou prône une hausse du temps de travail et veut lancer une énième réforme de l’assurance chômage. Stigmatiser les salarié·es et les plus pauvres, la méthode est éprouvée depuis longtemps. Et toujours aussi inefficace, et injuste.
Pour l’Union syndicale Solidaires, les pistes de recettes sont donc nombreuses. Et ce sont elles qui doivent empruntées ! Elles passent par l’impôt et la justice fiscale, mais également par cesser les dépenses qui ne sont d’aucune utilité pour le bien commun. Solidaires revendique que la priorité des dépenses publiques, ce soient les services publics et la protection sociale. Sans compter que dépenser plus pour les services publics, c’est enfin lutter contre le désespoir social et l’extrême droite.
Alors allons-y !