Monsieur le Préfet,
Notre collectif féministe vous alerte au sujet de la situation de plusieurs femmes survivant sans domicile ni hébergement d’urgence dans le Puy-de-Dôme.
Vous le savez, la précarité, et spécifiquement celle des femmes en situation de rue, accroit les risques de violences et d’agressions sexuelles. En eƯet, l’emprise de réseaux d’exploitation et de prostitution est facilitée par la détresse due à l’absence d’hébergement. En 2023, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) indiquait en eƯet que 94 % des victimes de traite des êtres humains (dont 82 % sont des femmes) sont hébergées par l'exploiteur ou le réseau, ce qui constitue souvent l’amorce puis permet le prolongement de l'emprise exercée sur elles. Un rapport sénatorial de 2024 reprenait le glaçant constat d’une psychiatre marseillaise : après un an de vie à la rue, les femmes sont 100% à avoir subi un viol.
Notre alerte féministe se double d’une obligation légale puisque l’article 434-3 du Code pénal oblige toute personne à faire connaitre à l’Administration les situations « de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse ».
Vous n’êtes pas sans ignorer que plusieurs femmes, parfois avec un ou plusieurs enfants mineur·es, dorment actuellement dans la rue en raison des choix que vous avez fait de ne plus héberger d’adulte sans titre de séjour y compris quand ils et elles ont des enfants de plus de 18 mois. Or, ces choix sont illégaux.
D’une part, parce qu’un droit constitutionnel, proclamé dans le Préambule de la Constitution de 1946, est en jeu : « [La Nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
D’autre part, parce que l’hébergement d’urgence n’est pas une politique facultative. Il s’agit d’un droit fondamental énoncé par le Code de l’action sociale et des familles (CASF) en son article L345-2-2 :« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. »
Ainsi, le droit à la mise à l’abri est un droit inconditionnel qui ne peut dépendre ni de la composition familiale, ni de la situation administrative, ni de l’origine. Il s’applique en conséquence aux personnes étrangères sans titre de séjour ou visées par une obligation de quitter le territoire français.
De même, la continuité de l’hébergement est elle aussi inscrite dans le droit (article L345-2-3 du CASF), interdisant les remises à la rue sans solution alternative adaptée. Une fin de prise en charge ne saurait être conditionnée à l’acceptation d’un hébergement dans un dispositif de préparation au retour, qui ne constitue ni un hébergement stable, ni une orientation.
Aussi, parce que ces personnes endurent, en raison de vos choix, une situation particulièrement alarmante nous vous demandons de faire cesser cette maltraitance et d’accorder un hébergement digne et sécurisé à toute femme sans domicile.
Dans l’attente d’une action de votre part, nous ne manquerons pas de vous faire savoir toute situation de vulnérabilité à prendre en charge par vos services.
Les associations féministes, syndicats et partis politiques membres du Collectif 8 mars toute l’année : Osez le Féminisme 63, Planning familial 63, LDH 63, ATTAC 63, CGT 63, Solidaires Auvergne, FSU 63, UEC 63, Union Étudiante Auvergne, Parti communiste français, France insoumise, Jeunes Communistes, Jeunes Écologistes, Jeunes Socialistes…