Depuis fin octobre 2021, trois grèves de travailleurs sans papiers ont démarré successivement. Ces derniers ont formé des piquets devant leurs entreprises : RSI, une société d'intérim, basée à Gennevilliers (92), DPD, filiale de La Poste pour le colis, au Coudray-Montceaux (91) et Chronopost, l'autre filiale colis de La Poste, à Alfortville (94). Ils réclament leur régularisation auprès des préfectures qui, depuis, font la sourde oreille.
L’État organise la surexploitation des Sans-papiers par les entreprises
Gérald Darmanin a été reconduit récemment comme ministre de l'Intérieur. Il y a quelques mois, il s'était fait remarquer par une intervention atypique sur la question des travailleurs sans-papiers.
10 novembre 2021, sur Europe 1, Gérald Darmanin dénonce le rôle des entreprises dans
l'exploitation des travailleurs sans-papiers
Il a dénoncé, lors de cet interview, le discours de certains candidats à la présidentielle sur l'immigration.
Il notait que « jamais ils ne s'en prennent aux entreprises. On peut s'en prendre aux étrangers en situation
irrégulière qui se trouvent sur le sol national, mais il y a aussi des entreprises, de très grandes marques, qui les font venir » et d'insister : « C'est aussi de la faute de certains capitalistes d'utiliser la misère humaine. Et dans les candidats (...) il n'y a pas beaucoup de dénonciation de ces chefs d'entreprise. »
Exploitation des Sans-papiers, l’État montre l'exemple
Nous démentons les propos de Darmanin. Les entreprises ne les ont pas fait venir. C'est l’État français, en maintenant la misère dans leurs pays mal décolonisés – c'est l’État français en y provoquant des guerres, qui les ont poussés à franchir le désert et la mer. Et c'est en les maintenant Sans-papiers, en France, que l’État a créé un marché de main-d’œuvre de 6 à 700 000 Sans-papiers dans lequel les employeurs n'ont qu'à piocher. Et nous confirmons. Ce sont bien souvent de grandes entreprises qui les utilisent. Mais elles le font à travers une cascade de sous-traitance, permise par l’État et qui dissimule leur responsabilité. Et l’État lui- même montre l'exemple. À Chronopost, à DPD, dans ces filiales de La Poste, entreprise d’État, des milliers d'intérimaires Sans papiers trient les colis à toute heure du jour et de la nuit. La Poste a même reconnu récemment
que nous avions raison et a retiré le contrat à la société Derichebourg sur les deux sites en grève.
Le troisième piquet est composé de grévistes de RSI, une société d'intérim spécialisée dans les chantiers du Bâtiment. Dans le BTP, l'utilisation de travailleurs Sans-papiers est systématique, au vu et au su des services de l’État. Les trois piquets à la manifestation du 10 mai 2022, de la Grande Arche à la préfecture de Nanterre
Les règles de régularisation fabriquent de plus en plus de Sans-papiers
Les règles ? C'est ce que Macron a opposé à un homme, Sans-papiers depuis huit ans, qui l'a interpellé au mois de mai dans un de ses déplacements. Il a répondu "Ça veut dire que vous ne respectez pas les règles Monsieur. On a des règles." Ces règles, pour la régularisation, exigent que l'employeur parraine le travailleur ou la travailleuse. Mais le patron a rarement intérêt. Son intérêt est que son employé(e) continue à trimer dans des conditions proches de l'esclavage. Et quand son dos sera abîmé, il prendra quelqu'un autre. Ces règles font que la proportion de travailleurs sans titre parmi la population active est de plus en plus grande.
Régularisation et maltraitance informatique
Mais ces règles, brandies par Macron à Nevers, l’État ne les applique même plus. Les rendez-vous en préfecture ne sont plus délivrés que par internet et les candidat(e)s ne parviennent pas à les obtenir. On peut s'acharner et se connecter des centaines de fois sans succès. Des personnes qui avaient un dossier complet, voient ainsi leurs documents vieillir et sortent des critères. Entre temps, elles ont été licenciées.
Et cette maltraitance se généralise maintenant aux personnes en renouvellement de titre. Des milliers de salarié(e)s dont le titre est en renouvellement se retrouvent au bout du compte sans titre, puis sans emploi et sans sécurité sociale, puis en danger de perdre leur logement.
Face aux grèves, les préfectures et le pouvoir nous ferment les portes et manœuvrent !
Dans l’Essonne, la préfecture d’Évry recevait certes un temps nos délégations, mais pour couvrir les manœuvres grossières et provocatrices de la Poste (DPD) et de son sous-traitant Derichebourg, qui refusaient de se reconnaître comme employeurs des travailleurs sans-papiers en lutte, s’asseyant y compris sur les conclusions de l’inspection du travail.
Dans les Hauts-de-Seine, la préfecture de Nanterre refuse de recevoir les grévistes de RSI, et s’assoie sur ses propres règles puisque 83 grévistes ont les documents d’entreprise (CERFAs) pour la régularisation depuis le...3 décembre !
Dans le Val-de-Marne, la Préfecture de Créteil refuse de recevoir les grévistes sans papiers depuis la seule audience accordée le...31 janvier !
Dernièrement d'ailleurs, les trois préfectures ont unifié leur attitude. Elles ne reçoivent plus ni l'une ni l'autre, sans doute sous l'égide d'une autorité centrale à Paris.
Dans les ministères et administrations, c’est la même attitude : la DGEF du ministère de l’intérieur nous a reçu en février, puis nous a éconduit le 4 mars, sous prétexte de l’arrivée des réfugiés Ukrainiens. Elle nous avait pourtant promis un retour...qui n’a jamais eu lieu. Au cabinet de Darmanin, à la préfecture de Police de Paris, où nous avons demandé audience plusieurs fois, c’est silence radio ! Et si le ministère du travail nous a reçu, les portes se ferment dans ses antennes locales comme à la DRIEETS du 92 à Nanterre !
Ce refus de recevoir les grévistes est cohérent avec le mépris de classe affiché par le pouvoir pour
« ceux qui ne sont rien », selon les mots de Macron. Ces gens « qui ne sont rien » font pourtant tourner entreprises et services au quotidien, et ne se voient concéder que le droit de subir et de se taire !
Après 8 mois de lutte, les grévistes sans-papiers ne lâchent rien !
Toujours plus déterminés à se faire entendre et à gagner !
C’est pourquoi nous manifestons à nouveau à la DGEF ce 13 juillet !
Régularisation de tous les sans-papiers !
Dans l’immédiat, le gouvernement doit régulariser les occupants des Trois piquets de grève, RSI, DPD et Chronopost
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