Objet : Lettre ouverte aux parlementaires au sujet de la proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite »
Mesdames messieurs les parlementaires,
Le groupe Renaissance de l’Assemblée Nationale, sous la signature de Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé, a présenté une proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ». Cette proposition est à l’étude et sera débattue durant la semaine du 28 novembre prochain.
Ce projet nous inquiète fortement. En prenant prétexte de quelques cas d’occupations soit-disant illégales exposés par les médias, il est envisagé de renforcer voire même de criminaliser les occupations de logement vides par des squatteurs ainsi que les défauts d’acquittement de loyers par des locataires en difficulté.
Vous n’êtes pas censés ignorer que l’absence de logement abordables ou le mal logement font parties des causes de précarité en France. Actuellement environ 300 000 personnes sont sans domicile, plusieurs millions de personnes sont mal voire très mal logées dans un pays qui regorge de logements vides, plus de 3,1 millions.
La plupart de ces personnes occupent un emploi, souvent précaire et/ou faiblement rémunéré qui ne leur permet pas d’assumer l’ensemble des dépenses. Tout cela dans un contexte où le logement social est le parent pauvre des politiques publiques alors que les besoins de constructions de logements sociaux sont énormes (à minima 300 000 par an) et que parallèlement nombre d’entre eux sont vendus, gentrifiés voire détruits.
Ajoutons à cela l’absence de politique gouvernementale suffisamment incitative pour augmenter les salaires et le point d’indice dans la fonction publique à minima au niveau de l’inflation, il est indiscutable que les retards de paiement des loyers vont exploser. Dans le même temps, la réforme des aides au logement continue à produire ses effets néfastes, leur montant n’ont pas été revalorisés, ni le niveau des loyers bloqués. Les ménages, les locataires et les squatteurs doivent aussi faire face à la hausse des coûts de l’énergie mais également de la vie courante à commencer par les produits alimentaires et de premières nécessités.
C’est dans ce contexte que les parlementaires du groupe Renaissance déposent un projet de loi durcissant comme jamais la pénalisation des locataires ne parvenant plus à régler leurs loyers et les squatteurs qui n’ont d’autres choix que d’occuper des locaux vides car ne parvenant pas à accéder à un logement devenu inabordable !
Faut-il rappeler que le choix de l’immense majorité d’entre eux, c’est squatter ou se retrouver à la rue ! Ce n’est pas par plaisir que l’on squatte mais par nécessité !
Ce projet est d’autant plus néfaste qu’il n’accorde que peu de garanties pour pouvoir défendre ses intérêts. Au contraire, désormais les préfets pourront procéder en quelques jours à des mesures d’expulsion. De même, les locataires convoqués au tribunal pour une dette de loyer seront sanctionnés par la résiliation automatique de leurs baux et leurs expulsions prononcées, même s’ils réussissent à régler leurs dettes de loyer par la suite ! Résultat en 6 mois, en cas d’impayé, il est possible de se retrouver dans la rue voire en prison puisque les peines encourues seraient de 6
mois de prison et 45 000 € d’amende !
Alors que le gouvernement engage des discussions dans le cadre du mal-nommé CNR sur les questions du logement pour « aboutir à l’élaboration d’outils et d’actions concrètes en faveur d’une politique du logement ambitieuse, soucieuse de la justice sociale et de la transition écologique », cette proposition de loi vient contredire les intentions affichées. Elle porte, à l’inverse, un projet qui criminalise la précarité sans même un mot contre les bailleurs spéculateurs et autres marchands de sommeil qui empêchent l’accès à un logement abordable, stable et décent aux plus pauvres. Elle est une provocation dont nous exigeons le retrait.
C’est d’une toute autre politique du logement dont nous avons besoin urgemment. Il faut notamment faire cesser les expulsions sans relogement dans un logement décent, interdire les coupures ou baisse d’énergie et d’eau, procéder à l’apurement des dettes de loyers, renforcer la taxe sur les logements vacants, appliquer la loi de réquisition des logements vacants, respecter les droits au logement des sans-abris et des exilé-es jusqu’à leur relogement en augmentant le nombre de places d’hébergement et le nombre d’emploi des personnels de l’action sociale, rénover en grand nombre les logements insalubres et les passoires thermiques, encadrer le niveau des loyers à la baisse, augmenter les salaires et les indexer sur le niveau de l’inflation et mettre fin à l’emploi précaire.
Mais avant toute chose, cette proposition de loi ne doit pas voir le jour et être retirée du débat parlementaire à venir.
Nous sommes disponibles pour tout échange, si vous le souhaitez.
Nous vous prions de recevoir nos sincères salutations,
Véronique Martin, secrétaire confédérale à la CGT
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Elie Lambert, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires