Mardi 17 juin a eu lieu un groupe de travail (GT) de la formation spécialisée du CSA national de l'Insee. Le point principal à l'ordre du jour était la situation à Mayotte et la réalisation d’un recensement exhaustif suite au passage de cyclone Chido .
Le passage de ce cyclone fut une véritable catastrophe pour l'ensemble de la population mahoraise.
Certains de nos collègues ont tout perdu. Il a fallu une dizaine de jours pour être sûr que tous nos collègues étaient en vie.
Ce cyclone a mis à terre une grande partie des habitations de Mayotte et a engendré des pénuries importantes d’eau potable (y compris en bouteille), de nourriture dans les magasins...
Les chiffres de population fournis par l’Insee ont été mis en cause jusqu’au sommet de l'état.
Face à cette situation exceptionnelle, un audit de l’inspection général de l'institut a été programmé en urgence en début d'année. Avec pour objectif : réaliser un recensement exhaustif et précis, avec publication de chiffres pour 2026.
C'est dans un contexte très particulier que s’est tenu ce GT
En effet, quelques jours avant cette réunion, deux agents qui faisaient l’enquête cartographique sur le terrain, ont subi des agressions :
- La première a eu lieu la semaine du 19 mai : une enquêtrice a été menacée de mort et son téléphone portable lui a été volé. Cette agression a eu lieu dans un endroit considéré a priori comme calme : Chiconi.
- La deuxième a eu lieu le 5 juin dans un quartier réputé peu sûr : Vahibé. Un agent de bureau et une enquêtrice ont été pris à partie par un groupe de jeunes, armé de machettes, qui voulaient connaître la raison de leur présence dans ce quartier où ils étaient inconnus. Ils ont pu s’expliquer et en sont sortis indemnes.
À la suite de ces agressions, dans un message aux agents de Mayotte, le directeur général a suspendu toutes les activités de terrain.
Rappelons que régulièrement les agents de l’Insee sur l’ile, sont pris à partie, agressés verbalement lorsqu’ils sont sur le terrain, souvent assimilés aux services de contrôle de l’État : police de l’air et des frontières ou services fiscaux lorsqu’ils sont en train de réaliser l’enquête cartographique ; services de la concurrence et de la répression des fraudes lorsqu’ils font les relevés de prix. Tout cela sans compter les reproches quotidiens vis-à-vis de l’Insee, notamment des chiffes de population.
La vie quotidienne et le travail sont particulièrement compliqués à Mayotte : coupures d’eau quasi-quotidiennes, insécurité, parfois des barrages sont mis en place sur la route, des embouteillages monstres... qui commencent dès 5h00 du matin...(cf lien vers la Lettre ouverte aux ministres des Outre-mers et du Travail de l'intersyndicale SUD-solidaires, cgt, cfe-cgc, unsa, fsu, cfdt, .... à destination du ministre de l'outre-mer : https://www.solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/lettre-ouverte-intersyndicale-mayotte-aux-ministres-des-outre-mers-et-du-travail/).
Lundi veille du groupe de travail national, une Heure Mensuelle d’Information syndicale (HMI) a eu lieu avec l’ensemble des agents de Mayotte. Il s'agissait d’échanger suite aux agressions et de porter au mieux leurs revendications.
Les agents souhaitaient, entre autres choses, que les mesures prises pour assurer leur protection sur le terrain soient discutées, en amont avec eux et leurs représentants.
Quelle ne fut pas notre surprise de voir que, mardi matin, quelques heures avant ce GT, les agents ont d’abord reçu un mail leur demandant de retourner sur le terrain. Des mesures pour renforcer la sécurité des opérations de collecte étaient annoncées : actions de communication, poursuite du déploiement de l’application Wary Me, conférence gestion des agressions et incivilités, formation risques canins et distribution de répulsifs notamment…
Dans un deuxième temps, une note explicitant les mesures que souhaitaient prendre la direction était diffusée…
Tout ceci sans discussion au GT du CSA et sans présentation en amont aux agents.
Lors de ce GT, nous avons, bien sûr porté toutes les revendications de la HMI de la veille.
Face aux difficultés de terrain, nous avons même demandé d’envisager un report au mois de septembre 2026 de la collecte du RP.
Selon la Direction ce report n’est pas possible : le cadre juridique dans lequel se place ce recensement est en cours de discussion à l'Assemblée nationale, la pression des élus mahorais pour que le recensement soit réalisé avant les élections municipales de mars 2026, est forte ; sans parler des injonctions gouvernementales et de la remise en cause des travaux de l'Insee.
Pour la direction, il y a donc urgence à ce que les activités de terrain reprennent.
La Secrétaire Générale s'est même faite menaçante : si ce recensement n’a pas lieu alors la présence de l’Insee pourrait ne plus être assurée…
Cette pression mise sur les agents en charge de l’enquête cartographique est tout simplement inacceptable.
Les agents de Mayotte ont déjà mainte fois prouvé que l’on pouvait compter sur eux par le passé. Est-ce que la Secrétaire Générale aurait fait la même remarque si cela s'était produit à Poitiers ou Rennes ?
Notre détermination a permis la satisfaction de plusieurs de nos revendications.
L'appel au volontariat pour l'enquête cartographique, dans les zones difficiles, sensibles ou isolées, (où un accompagnement n'aura pas pu être mis en place), nous semble dangereux.
Nous craignons que les enquêtrices/enquêteurs, en attente de cédéisation ou autres, acceptent d'aller "volontairement seules" sur le terrain et se mettent en danger, peut-être pour se faire « bien voir » ou simplement, car les pressions sont trop fortes.
Bien sûr, il n'est pas question d'obliger les enquêtrices/enquêteurs qui, à leur demande expresse, souhaitent aller seuls sur le terrain ni de les contraindre d'y aller accompagnée.
Nous sommes contre tout appel au volontariat pour aller sur le terrain. La menace du « service non-fait », exprimée par la secrétaire générale et le directeur régional, s'apparente à une provocation dans le contexte actuel.
Toutes les mesures de sécurité doivent être prises en amont pour protéger les enquêteurs, les enquêtrices et les agents de bureau pour mener à bien leurs missions.