Au-delà de la logique raciste du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) qui impacte l’ensemble des personnes étrangères, ce Code participe également à produire et à reproduire des inégalités de genre. Ainsi les femmes subissent une double discrimination : en tant qu’étrangères elles sont soumises à des lois d’exception et en tant que femmes elles font les frais d’un Code qui s’est construit sur une perception sexiste des migrations dans laquelle les mobilités féminines sont perçues comme familiales et les femmes comme des rejoignantes (« épouses de », « mères de », « filles de »). Bchira de la Marche des Solidarités, nous a fait un point sur les conséquences de cette législation patriarcale lors de la formation 8 mars toute l'année qui a eu lieu en novembre dernier.
“Avec la circulaire Vals, la régularisation des femmes non travailleuses se fait via la vie commune avec un français ou un étranger résident et aussi par la scolarisation des enfants. Cela implique de vivre ensemble car il faudra prouver à chaque renouvellement de titre de séjour la vie commune (être mariée ne suffit pas), et de ne pas se séparer dans les 4 premières années sous peine de perdre son titre de séjour.
La subordination du titre de séjour dit “carte vie privée et familiale”, qui est la carte de pleins droits, expose les femmes primo arrivantes à des relations conjugales souvent compliquées marquées par le chantage, la violence et la maltraitance. Tout est pensé dans un système patriarcal et hétéronormé alors qu’aujourd’hui les modèle familiaux sont très diversifiés. Beaucoup de femmes enfantent juste pour « créer des droits ». Mais réellement elles se retrouvent seules avec des enfants à charge pendant des années et dans des conditions très précaires.
Pour les femmes arrivant en France par la procédure du regroupement familial donc avec un visa long séjour, doivent suivre des démarches auprès de l'OFII (Office Français Immigration Intégration) pour avoir la première carte de séjour vie privée et familiale et la renouveler par la suite en carte pluriannuelle et carte de résidence. Ces démarches nécessitent la présence du conjoint et son engagement. Plusieurs femmes subissent la maltraitance et la violence de leur mari ou même de leur famille sans pouvoir agir sous la menace de perdre leurs droits. A défaut de preuves de cette maltraitance, elles se sont retrouvées en France avec des titres non renouvelés ou bloqués après le chantage exercé par leurs conjoints.
Pour celles qui veulent accéder à la régularisation par le travail, le parcours est tout aussi compliqué : il faut avoir un temps plein, gagner au moins l’équivalent du SMIC. Or, on sait que les femmes sont de manière générale sur-représentées dans les emplois précaires (contrat à durée déterminée, temps partiels imposés), qu’il existe une ethnicisation de certains secteurs du marché du travail, notamment le secteur du soin et des services à la personne qui emploie en grande partie des femmes étrangères, ce qui est souvent synonyme de multiples employeur·euse·s. Et l’une des conditions de régularisation par le travail consiste pour l’employeur·euse à payer une taxe, ce qui se révèle être un obstacle de plus lorsqu’il s’agit de particulier·e·s.
Toutes ces raisons font que nous sommes très impliquées dans la campagne antiracisme et solidarité et font que nous serons dans la rue le 8 mars pour revendiquer nos droits!”