Résolution 1 : Quelles alternatives face aux transformations, aliénations et destructions liées au système capitaliste ?
Les points de tension dans un monde en crise. Avant même la crise sanitaire actuelle qui remet en lumière la nocivité du capitalisme à l’échelle planétaire, la question d’une crise systémique imminente était posée. En effet, le capitalisme s’appuie encore et toujours sur des principes qui conduisent à intervalles réguliers à des crises et favorise le développement d’inégalités multiples.
Face à cela, des mouvements populaires se sont multipliés ces trois dernières années à travers le monde. Ils mettent en exergue tous les maux qui permettent à ce système de se maintenir en place : régression des conditions de vie des classes populaires, extractivisme, néocolonialisme, impérialisme, nationalisme, patriarcat, guerres...
Les conséquences en sont connues et s’exacerbent au fil des années : précarité, inégalités salariales, chômage de masse, réchauffement climatique, changements écologiques, oppressions et dominations des classes dirigeantes, exploitant, suscitant et aggravant encore celles subies par les femmes et les minorités.
Ces éléments entraînent des explosions sociales avec un fil conducteur, celui de la volonté de remettre au cœur de la vie sociale la démocratie en réponse à l’autoritarisme répressif dont font preuve les pouvoirs en place.
La crise sanitaire du fait du virus covid-19 a pris de court tous les gouvernants et mis en exergue la fragilité de l’organisation internationale de la production.
Dans ce contexte de forte tension, cette résolution se penche sur les conséquences de l’exploitation du capital sur l’humanité pour mettre en avant l’urgence à agir à toutes les échelles, locale, nationale et internationale.
Cette résolution propose d’approfondir notre réflexion sur la transformation anticapitaliste économique, sociale, féministe, antiraciste, LGBTQI+ et écologique de la société à laquelle nous aspirons, débarrassée de toute exploitation et domination.
Enfin, elle propose concrètement de préparer et mettre en œuvre sur les trois ans qui viennent, une campagne qui réinterroge le travail (sa nature, ses modes d’organisation, la prise de décisions, la richesse produite et son partage...) pour construire les alternatives.
La crise sanitaire nous interroge sur nos vies, sur notre rapport au travail. Elle nous renvoie très directement à notre aliénation à la société de consommation cornaquée par les grands groupes financiers. Cela pose la question de ce qui est essentiel ou non, pas forcément de la façon dont le gouvernement et les intérêtes capitalistes le définissent (Culture, loisirs, vie sociale...)
La crise sanitaire a fait l’objet d’une analyse lors du congrès extraordinaire d’octobre 2020. Malgré les difficultés d’organisation, il est apparu nécessaire, au sein de notre union, de se réunir pour ne pas rester spectateurs/trices et porter des alternatives concrètes pour l’ensemble de la société. Cette nouvelle résolution s’appuie sur les débats menés en octobre et poursuit les réflexions entamées.
1. Les conséquences de l’exploitation capitaliste sur l’humanité et les écosystèmes
1.1. De l’aliénation dans le monde du travail aux destructions environnementales
Le système capitaliste, comme à son habitude, s’adapte, profite et provoque des crises économiques et sociales. Cette période aggravée par la crise sanitaire engendrée par le COVID n’est pas exemptée de cette recherche de toujours plus de profits aux dépens de la population. Les fermetures et délocalisations se multiplient, les destructions d’emplois sont massives et la pauvreté explose. Le gouvernement répond à la crise économique par des mesures pour protéger les entreprises, pas pour soutenir la partie de la population la plus touchée. Il s’efforce d’écraser tout mouvement par des mesures sécuritaires et une pratique autoritaire du pouvoir.
L’organisation hiérarchique du travail est source d’aliénations et de souffrances. La division du travail produit une multiplication de cadres intermédiaires avec pour conséquences des relations de pouvoir qui oppriment l’ensemble des salarié-es.
Depuis son arrivée au pouvoir et dans la suite de ses prédécesseurs, Macron et son gouvernement se sont attelés à un détricotage en règle du droit du travail et des droits sociaux en général. Ils se sont fait les chantres du « « nouveau monde connecté » et de ce qu’ils appellent la start-up nation numérique qui valorise l’individu et tente de détruire le collectif. A contrario, le mouvement social des Gilets Jaunes tout comme la mobilisation syndicale pour les retraites a montré que l’action collective avait de l’avenir et qu’elle savait très bien utiliser à son profit les outils informatiques (réseaux sociaux, boucles d’échanges sécurisés).
Les dégâts et les impasses du capitalisme néolibéral se constatent également avec les désordres planétaires qu’il induit. L’intensification des catastrophes, la poursuite de la hausse des GES (gaz à effets de serre), l’agriculture et l’élevage intensif, l’extractivisme (minerais, énergies fossiles dont gaz de schiste...), l’augmentation des besoins en énergie avec notamment l’arrivée de la 5G, le gaspillage, la multiplication des déchets et notamment des matières plastiques et des déchets dangereux (chimiques et radioactifs) sont autant de maux qui montrent les limites du système capitaliste qui se présente toujours comme la seule solution à sa propre crise.
Les Etats/gouvernements n’ont aucune volonté d’agir pour limiter la hausse à 1,5°C comme le stipulait l’accord de Paris de 2015. Au contraire, ils continuent de soutenir le système capitaliste et sa course effrénée au détriment de la planète et des populations les plus pauvres. Les exhibitions de Macron en géant vert sur la scène internationale ne masquent ni l’inaction de son gouvernement, qui ne veut pas toucher aux intérêts des grandes entreprises privées polluantes (retour des néonicotinoïdes, remise en cause du fret ferroviaire...), ni ses méthodes répressives contre les mouvements sociaux et écologiques. En sacrifiant la planète sur l’autel du profit, ce sont nos vies qui sont détruites. De nombreux exemples ont marqué ces dernières années : déforestation massive mais aussi incendies désastreux en Amazonie par exemple et en Sibérie, meurtres de militant-e-s écologistes, accident nucléaire à Fukushima, ou encore plus près de nous, comme l’usine Lubrizol à Rouen mettant en danger la population, et ce alors même que les scénarii annoncent clairement le risque d’un effet d’accélération du réchauffement climatique.
Les multinationales sont les principales responsables de la situation via l’internationalisation des échanges sur fond de déréglementation et de financiarisation de l’économie. Elles exploitent les travailleurs et les travailleuses, elles pillent la planète en toute impunité avec la complicité active de certains états ou l’asservissement d’autres. Ces derniers négocient des accords en faveur de ces multinationales qui n’hésitent pas, en retour, à les attaquer en justice via des tribunaux taillés sur mesure pour affaiblir la législation sociale et/ou environnementale du pays (conséquences des accords dits de libre-échange, tels le Tafta, Ceta ou Mercosur...). Rendre nos comportements individuels « vertueux » écologiquement, ne suffira pas à inverser le cours des choses et relève d’une pratique de culpabilisation qui cache les principaux responsables de la dégradation de notre écosystème.
Depuis 2018, les mobilisations sociales et écologiques sont renouvelées dans leurs formes et leur ampleur, avec de nouvelles actrices et de nouveaux acteurs. Cela nous montre qu’une partie de la population, notamment des jeunes, n’hésite pas à s’investir et à se mobiliser pour des causes collectives. Les mobilisations sociales et écologiques ont porté sur le terrain des luttes, l’urgence à agir conjointement pour la justice sociale et écologique (« Fin du monde, fin de mois : même combat ! »). Pour combattre le système capitaliste qui impose croissance et satisfaction des actionnaires, il est nécessaire que syndicats, mouvements Climat, mouvements sociaux agissent ensemble pour construire un rapport de force à la hauteur des enjeux. Nous le disons, cela passera par le blocage de l’économie à deux niveaux : la grève comme outil de blocage de la production pour les salarié-es et la lutte contre le productivisme au travers de la surconsommation qu’il promeut (actions, boycott...).
1.2. L’intensification des transformations en lien avec le développement de la société numérique
Les politiques libérales intensifient la concurrence fiscale et sociale et siphonnent les richesses publiques (par l’évasion fiscale, le paiement de la dette des banques »...) et privées (par la pression sur les salaires et par conséquent, la dégradation des conditions de vie...). En faisant pression sur les rémunérations et les conditions de travail, elles s’opposent à une juste répartition des richesses qui permettrait de financer les besoins sociaux et environnementaux tout en soutenant l’activité économique.
La division internationale du travail s’appuie notamment sur la production à bas coût d’une grande partie des marchandises dans les pays en voie de développement et du côté des services par la numérisation. Cette partie de l’économie est elle-même aujourd’hui soumise aux mêmes dictats économiques. L’informatisation et la généralisation d’Internet instaurent de manière insidieuse, via la captation automatique de centaines de milliards de données personnelles, un contrôle et une surveillance permanente de nos vies.
La captation de données personnelles, l’hyper-connexion dans tous les moments de la vie qu’elle soit personnelle ou professionnelle, la possibilité de géolocaliser ou encore de surveiller le comportement des utilisateurs-trices et l’exploitation faite de l’ensemble de ces données avec ou sans intelligence artificielle donnent aux entreprises qui les contrôlent un pouvoir immense. Les pouvoirs politiques et groupes de pression travaillent aussi dans ce sens. Cette surveillance technologique généralisée est une entrave à nos libertés. Elle s’attaque en particulier aux militant-es politiques et syndicaux-ales à travers le monde, y compris en France. Ceci soulève un souci démocratique majeur et conduit à se poser la question de l’avenir et de la réalité des libertés individuelles et collectives.
Dans ce cadre, le renouvellement à un rythme effréné des standards de téléphonie avec notamment la mise en place de la 5G s’est faite sans réflexion ni débat démocratique sur les impacts engendrés tant au niveau environnemental, que de santé publique se fait malgré les multiples alertes qui ont été faites sur les impacts engendrés tant au niveau environnemental, que de santé publique et démocratique. Il se fait sans questionnement général sur sa nécessité ni sur l’intérêt de ces nouvelles technologies au-delà des profits économiques engendrés, notamment par l’incitation aux changements d’appareils.
Le modèle économique des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et d’autres comme Alibaba et Huawei est notamment basé sur l’exploitation des données personnelles. Elles les stockent et les analysent dans des centres DATA énergivores dans des proportions inégalées ce qui leur permet à la fois d’exploiter les travailleuses-eurs et les données produites par celles-ci-ceux-ci dans leur vie privée. Ces multinationales peuvent être plus puissantes que les États qu’elles mettent en concurrence sur le plan du droit du travail et sur le plan fiscal.
Les logiciels libres, ouverts et décentralisés représentent des alternatives au capitalisme de surveillance qui exploite nos données personnelles. Il nous faut les favoriser, dans nos pratiques syndicales ou professionnelles. »
Le numérique modifie en profondeur l’activité économique, la création de la chaîne de valeur. Les données personnelles fournies gratuitement par les utilisateurs-trices, permettent aux géants du numérique d’accroître leur valeur capitalistique et leurs bénéfices en les exploitant à des fins commerciales, notamment publicitaires. Pourtant, si ces multinationales captent des richesses, elles échappent à l’impôt en utilisant les failles de la législation fiscale et en faisant pression sur les États pour qu’ils n’adaptent pas leur législation. De surcroît, l’impact environnemental est alarmant, les data center représentent une part croissante et non négligeable de la consommation énergétique mondiale.
Le numérique modifie également profondément le travail. Avec l’intensification de l’informatisation, nous assistons à une accélération de la casse des collectifs de travail. La « révolution numérique » au lieu d’améliorer les conditions de travail et de redéployer l’économie vers des considérations plus sociales et écologiques a conduit à la suppression de milliers d’emplois dans tous les secteurs, publics comme privés et elle participe à la casse des services publics. De plus l’essor de l’outil numérique utilisé à mauvais escient rompt le lien humain et favorise des méthodes de management de plus en plus contraignantes et violentes telles les communications uniquement par voie électronique, des consignes lapidaires ou des remontrances adressées à quelques un-e-s mais envoyées à toutes et tous…
La dématérialisation menée tambour battant par les différents gouvernements a contribué à la suppression de nombreux services publics et du maillage territorial. Cette réalité renforce l’abandon d’une grande partie de la population, notamment en milieu rural et périurbain, particulièrement touchée. Tout cela, alors que les besoins sociaux s’accroissent et qu’une partie importante de la population maitrisent mal les outils numériques et informatiques. Le développement de « Maison France Services », service public bas de gamme est loin de répondre aux enjeux et n’est qu’une étape de plus vers la privatisation. Pour Solidaires, l’égalité territoriale passe par le développement et le renforcement des services publics offrant de réelles et larges compétences administrés par des fonctionnaires sous statut.
La réforme territoriale, imposée par phases successives, accentue un changement dans l’organisation de l’espace, dépouillant les territoires ruraux et villes moyennes au profit de grandes métropoles-régions qui concentrent les pouvoirs, notamment économiques. Ces mutations accentuent les inégalités territoriales en mettant en concurrence les régions. Elles entraînent aussi la destruction des écosystèmes par la multiplication de projets commerciaux. Elles relèguent des populations, aussi bien d’une partie des banlieues que des zones rurales excentrées, et dégradent des conditions de travail et de vie de millions de travailleuses et travailleurs. Discriminations spatiales et sociales se cumulent. Trois régions cumulent autant de création de richesses que l’ensemble des autres. Ces inégalités territoriales se retrouvent dramatiquement amplifiées par la crise « COVID ».
Les services publics sont plus que jamais sur la sellette. La casse du statut de la fonction publique notamment par le recours massif à la contractualisation et les restructurations synonymes de déstructurations de l’action publique vont entraîner pour la population une augmentation de l’inégalité dans l’accès aux services publics, voué à terme à la privatisation voire à l’ubérisation.
La destruction des statuts, des garanties du code du travail et les restructurations engendrent dégradation des conditions de travail, souffrance au travail, en même temps qu’une précarisation toujours plus grande... Malgré les mobilisations collectives, les destructions touchent l’ensemble de nos biens communs (code du travail, protection sociale...) tant pour les salarié-es que les travailleuses et travailleurs privé-es d’emploi.
Ces destructions affaiblissent les solidarités et contribuent aux divisions entre les exploité-es. Ainsi, la surcharge de travail occasionnée par les réductions d’effectifs est une source de tension dans un collectif de travail. La destruction du maillage des services publics détruit le lien social.
Les confinements de la crise sanitaire de 2020-2021 ont mis en lumière les inégalités d’accès au télétravail et les inégalités de traitement entre les travailleuses et travailleurs (déploiement inégal et parfois contraint du télétravail, dégradation et dérégulation en matière de conditions et temps de travail, inégalités F/H, incursion du professionnel dans la sphère privée...).
En ce qui concerne les conditions de travail, pour mettre en œuvre le droit à la déconnexion, l’employeur (et les équipes d’encadrement) doivent s’engager concrètement au-delà des simples chartes et notes de service qui ne peuvent déroger au code du travail. Nous réaffirmons que le télétravail est incompatible avec la garde d’enfant(s) et les congés maladies.
Solidaires réaffirme la nécessité de prise en charge complète des frais engendrés par le télétravail (du matériel adapté, logiciels, chauffage mais également l’électricité, les coûts liés à la connexion internet...) par les employeurs qu’ils soient publics ou privés. Les employeurs des secteurs privé, public ou associatif proposent pour la plupart un dispositif à minima sans garanties fortes sur la mise à disposition d’un poste de travail complet pour assurer la sécurité des personnels et éviter le développement de TMS (Troubles musculo-squelettiques) à cause d’une posture inconfortable, troubles ophtalmologiques et conséquence sur la santé à long terme et d’exposition prolongée aux écrans, d’un travail sur un écran trop petit...
Solidaires rappelle les obligations d’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. Ainsi, Solidaires exige que tout accident de travail (salarié-e du privé) ou de service (agent-e public) soit bien imputable à l’employeur y compris dans le cadre du télétravail.
Solidaires exige l’abandon des termes « travail en distanciel » ou « travail à distance » lorsqu’ils sont utilisés en lieu et place de « télétravail ». Ce subterfuge permet aux employeurs de s’exonérer des obligations de l’employeur vis-à-vis de l’employé-e. Nous devons veiller à ce que tout employeur soit contraint à respecter ses obligations en matière de formation, de fourniture du matériel nécessaire, de défraiement des frais associés au télétravail.
Le développement massif d’une modalité qui concernait jusque-là environ 5 millions de travailleuses-eurs soit environ 10% de salarié-es du privé et moins de 5 % des effectifs de la FP va interroger l’organisation du travail de manière bien plus conséquente. La période du confinement avait déjà fait remonter un certain nombre de difficultés. Celles-ci s’accentuent au cours du temps.
L’expérience du télétravail lors des confinements a de nouveau fait la démonstration des inégalités de répartition et de partage des tâches domestiques, au détriment des femmes. L’heure n’est plus aux constats : il est primordial d’encadrer davantage les règles du télétravail, afin qu’il ne vienne pas aggraver ces inégalités.
Le télétravail est un outil supplémentaire pour casser les collectifs de travail, aider au démantèlement du maillage territorial, du service public physique de proximité, une incitation à la mobilité et un moyen de faire baisser le taux d’occupation des locaux pour, à terme, faire des économies sur la surface d’occupation des travailleurs-euses, surtout quand on le met en relation avec les expérimentations faites dans différents secteurs, tant publics que privés, sur le co-working et le flex-office.
Enfin, il apparaît primordial que cette modalité aux conséquences multiples sur les travailleurseuses et les collectifs de travail soit soumise à négociation avec les organisations syndicales et à consultation des instances de représentation du personnel, tant pour la défense des salarié-es que pour faire le bilan en matière de santé et de sécurité au travail.
Ces dernières années, de nouvelles formes de travail se sont très rapidement développées notamment l’auto-entreprenariat qui est devenu l’outil principal de « l’ubérisation ». Les travailleurs-euses sont livré-es à eux-elles-mêmes, isolé-es pour être toujours plus contraint-es et précarisé-es. Rendant encore plus difficile la défense collective. Cette individualisation est synonyme de précarité quand l’absence de contrat de travail et donc de garanties individuelles et collectives les laisse à la merci des employeurs, véritables donneurs d’ordre qui se délestent ainsi de leurs responsabilités sociales.
Au congrès de 2017, nous avions fait le constat des transformations de certaines organisations de travail par le phénomène « d’ubérisation » et de leurs conséquences pour les travailleurs et les travailleuses ubérisé-es (précarisation, absence de perspective d’avenir, faible rémunération…). Si une partie de ces dernier-es s’est depuis organisée au niveau national et international, les secteurs « ubérisés » sont toujours en développement comme éléments structurants de la société néolibérale. Plus profondément, les nouvelles formes de travail par le biais des plateformes numériques d’une part, et d’auto-entrepreneuriat d’autre part, remettent peu à peu le salariat en question sous couvert d’indépendance : c’est le rêve libéral du « chacun pour soi ».
Dans les entreprises symboles de ces transformations (Amazon, Uber, Deliveroo...), où les exigences de flexibilité sont sans cesse croissantes, des collectifs de salarié-es s’organisent, souvent en s’affiliant à des organisations syndicales, dont l’Union syndicale Solidaires. Les salarié-es des plateformes, même sous statut d’auto-entrepreneurs/euses sont des travailleurs et des travailleuses qui subissent l’exploitation capitaliste et doivent s’organiser pour défendre leurs droits et obtenir un autre partage des richesses. C’est pourquoi l’Union syndicale Solidaires et ses syndicats continuent de faire du développement de l’implantation auprès de ces travailleurs et travailleuses un objectif des trois prochaines années.
2. Pour une société sans exploitation ni domination
Au congrès de Saint Brieuc, nous avons constaté que transformation sociale et transformation écologique vont de pair. Il s’agit de répondre à l’urgence sociale ainsi qu’à l’urgence climatique. La limitation des ressources à l’échelle planétaire impose une transformation globale de la société. Il est nécessaire de considérer les conditions permettant d’arrêter la course à la surproduction et à la surconsommation, afin de sortir de l’aliénation de la croissance perpétuelle, pilier du capitalisme.
Changer en profondeur la relation de l’individu à l’emploi et à la rémunération : cet objectif fondamental a été l’occasion de nombreuses propositions qui ont suscité force, débats et polémiques : revenu d’existence inconditionnel, salaire à vie, salaire socialisé, etc. couplé à un revenu minimum. Si l’enjeu et l’ambition de ces débats ne permettent pas d’en dégager immédiatement des revendications concrètes, Solidaires intègre d’ores et déjà dans son cahier revendicatif la volonté de limiter fortement l’éventail des rémunérations, en le ramenant dans un premier temps à une amplitude de 1 à 5.
Après le Congrès de Saint Brieuc de 2017, celui de Saint-Denis en 2020 a permis d’avancer sur la question de l’émancipation des travailleuses et des travailleurs, avec la socialisation comme piste pour changer le rapport au travail et à l’emploi et sortir de l’aliénation. La situation sanitaire et le confinement imposé ont mis en évidence certaines activités essentielles à la vie, ce qui nous donne des pistes pour construire des alternatives.
Pour avancer vers cette émancipation, il faut s’organiser collectivement entre travailleurs et travailleuses pour remettre en question notre dépendance au travail exploité, qu’il soit salarié ou faussement indépendant et notre précarité grandissante due notamment aux nouvelles formes d’emploi. Tout ceci nous a amené à réfléchir au statut du salariat et à l’économie collaborative, forme d’économie de partage, pour aboutir à notre autonomie collective.
Solidaires n’a pas la prétention de proposer un projet de transformation sociale « clés en main » ; ce sont les actrices et acteurs du changement qui définiront elles-mêmes et eux-mêmes le monde qu’elles et ils souhaitent lors de ce changement que l’on espère proche de nous. Mais en attendant, il nous semble important de pointer une conception de la société vers laquelle l’on souhaite aller, que l’on peut défendre et proposer à la discussion. Des grandes pistes ont déjà été actées aux précédents congrès. Il s’agit ici de déterminer plus en détail la question des enjeux démocratiques de l’organisation de la production et la définition des besoins sociaux dans notre projet de société.
2.1. La question démocratique, pierre angulaire de notre projet
Solidaires revendique l’abrogation du carcan législatif autoritaire ; notamment la loi « confortant les principes de la République » (ex séparatisme), la loi sur la « sécurité globale », le nouveau schéma national du maintien de l’ordre de septembre 2020 et les décrets de fichage généralisé de la population de décembre 2020. Sans oublier l’arrêté des états d’urgences sanitaires et sécuritaires devenus permanents.
La question démocratique suppose que l’on détermine au préalable le mode de décision, dans la recherche de l’émancipation des travailleuses et des travailleurs. Cette recherche d’émancipation engendre nécessairement une réflexion sur l’organisation du travail et de la production des biens et services, en particulier par celles et ceux qui y contribuent, mais pas seulement. Une des voies possibles est l’autogestion. L’autogestion va bien au-delà de la simple détermination d’un mode de décision. Elle remet radicalement en cause la spoliation et l’aliénation des travailleurs et travailleuses par le capital et/ou l’État en proposant des formes d’appropriation collective des moyens de production et de répartition des richesses créées.
Notre conception de l’autogestion a comme principe la recherche du consensus, la démocratie directe, la prise de décision par les gens concernés, une gestion collective égalitaire et démocratique.
La démocratie que nous souhaitons, repose sur une définition claire des processus et des lieux pour décider de l’ensemble des besoins, les prioriser, vérifier leur poids « éco-compatible ». L’enjeu est notamment de pouvoir planifier les activités nécessaires à leur réalisation, de même pour les espaces de production, et de déterminer qui les réalise. Un nouveau mode d’organisation peut permettre la coordination de la production et des échanges entre les territoires, en privilégiant les circuits courts et la production locale.
La possibilité de participer aux prises de décisions doit être accessible à l’ensemble de la population établie sur un territoire donné et ne devra pas engendrer d’exclusions. Les personnes hors activité, dites « improductives » du fait de l’âge, de la maladie ou du handicap, doivent bénéficier des mêmes droits. Ce projet doit être réfléchi et porté internationalement : en effet toute « société idéale » réservée à quelques-un-es et laissant pour compte une partie de la planète serait vouée à l’échec. Ce projet de société, pour Solidaires, doit inclure la disparition de toutes les inégalités, notamment Femmes/Hommes, et ne reposer en aucune façon sur des discriminations et dominations entre différentes catégories d’individus. La lutte contre tous les fascismes et fanatismes sera une constante.
2.2. Répondre aux besoins sociaux
Abolir l’exploitation et l’aliénation suppose la fin du capitalisme et donc du salariat et du travail tel qu’on le connaît. Dans ce nouveau contexte, chacune et chacun ne pourra se voir imposer des activités au-delà de celles nécessaires pour satisfaire les besoins collectifs.
L’égal accès de tous et toutes aux biens permettant de satisfaire les besoins fondamentaux (eau, nourriture, énergie, mobilité, santé, éducation, culture, sports et loisirs...) doit être garantie dès aujourd’hui et à terme garantie par leur socialisation. Réfléchir à leur production et à leur accès doit se faire en prenant pleinement en compte la dimension écologique. Nous pouvons déjà souligner des enjeux importants en ce début de XXIe siècle.
Pour répondre aux besoins alimentaires et d’accès à l’eau potable, des choix devront être effectués en privilégiant un cadre de proximité (circuits courts) et de respect de la saisonnalité des cultures et de la biosphère.
L’habitat est un besoin fondamental qui ne peut pas attendre. Il s’agit de mettre en œuvre un urbanisme qui génère une réduction des déplacements, et de limiter l’extension des zones périurbaines qui sacrifient de la terre arable. Il faut construire un habitat selon des normes environnementales, visant notamment à la sobriété énergétique. Cette répartition de proximité entre l’habitat et la satisfaction des besoins sociaux est une condition préalable.
Dans le domaine de la mobilité, le confinement l’a démontré, sans transports une grande partie de la pollution atmosphérique s’atténue.
Une véritable révolution est donc à effectuer pour que les déplacements coûteux en empreinte écologique soient réduits, que ce soit celui des marchandises ou ceux au bénéfice des populations.
Il faut réduire très fortement les transports routiers et aériens et développer des infrastructures permettant des modes de transports collectifs et/ou alternatifs (train, vélo, marche à pied...). L’ensemble des réponses aux besoins sociaux doit se réfléchir avec des circuits courts. Il faut trouver des solutions pour limiter la dépendance des populations à la voiture individuelle. Dans ce cadre, la socialisation des transports collectifs est un impératif qui doit continuer d’être porté dans le débat public.
La Sécurité Sociale a joué un rôle essentiel d’amortisseur social et d’accès de tous-tes à la santé face à la crise sanitaire. Elle doit être universelle et couvrir les besoins de toutes et tous. Elle doit couvrir à 100 % tous les risques encourus (maladies physiques et psychiques, accidents de travail, maternité, invalidité, décès, perte d’autonomie). La crise sanitaire a mis en relief la nécessité d’une protection sociale renforcée vis-à-vis des plus pauvres, des plus précaires, dont les travailleur-ses sans papiers. Il faut en finir avec la marchandisation de la santé qui consiste à transférer au privé des pans entiers des missions les plus rentables et génère de profondes inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux soins. La pandémie Covid 19 le démontre de façon tragique. Il faut développer un monopole de soins publics gratuits au plus près de la population qui permette l’accessibilité de toutes et tous, en couvrant les besoins de la naissance à la mort. Il s’agit d’arriver à l’objectif, selon lequel la promotion de la santé va bien au-delà des simples soins de santé : il s’agit d’assurer le bien-être complet d’un individu, bien-être physique, mental et social, sur la base d’une approche socio-écologique globale de la santé.
L’élément central garantissant l’égalité et la compréhension de ce nouveau monde serait l’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. Un enseignement émancipateur laïc, public et gratuit qui reconnaisse, pour toutes et tous, la valeur des formations pratiques, manuelles, les expérimentations, ainsi que les enseignements théoriques et d’accès à la culture générale.
Nous nous revendiquons de l’éducation populaire en ce qu’elle permet aux individus de se forger leurs propres opinions sur la société et d’agir de manière individuelle et collective sur le monde qui les entoure.
Il sera garanti pour toutes et tous, un égal accès à la culture, le divertissement et le sport, sortis des circuits marchandisés.
Pour la sociabilité et la vie démocratique, la capacité de communiquer devrait être garantie pour chaque personne et groupes de personnes. C’est un impératif incontournable pour empêcher l’isolement, et développer une dynamique de vie collective. Il nous faut entre autres définir un droit à connexion de tou-te-s et déterminer des « standards » acceptables dans un cadre de sobriété numérique/énergétique, imposé par le respect environnemental. La multiplication des réseaux/antennes/écrans à l’infini n’étant pas le modèle souhaitable.
Une société telle que nous l’imaginons, basée sur la satisfaction des besoins, après débat et décision, devrait engendrer bien moins de demandes créées artificiellement par le capitalisme et son système de publicité. Les loisirs et leurs pratiques doivent devenir forts différents et être respectueux de la planète que nous voulons laisser aux générations futures. Il faut également penser leur impact social et culturel. Il s’agit de remplacer la frénésie de consommation comme unique exutoire possible à nos désirs, par les conditions nécessaires à l’épanouissement individuel et collectif.
Les circuits courts seront privilégiés. Une production et une consommation équitablement distribuée utile socialement et soutenable écologiquement apporteront une plus grande sobriété de nos sociétés. Dans cette perspective, le temps consacré à produire serait fortement réduit.
L’activité humaine pourrait se répartir entre un temps nécessaire aux décisions démocratiques collectives, un temps à leur réalisation, et le reste du temps pour l’émancipation de chacun et chacune.
3. Une campagne pour construire des alternatives
Une campagne d’urgence et une campagne pour construire des alternatives. L’actualité nous pousse à mener une campagne d’urgence centrée principalement sur la question de la rémunération et des minima sociaux. Elle fait l’objet d’une campagne d’actualité séparée. Par ailleurs Solidaires s’engage à mener une campagne sur le plus long terme.
Il y a urgence à agir pour inverser la vapeur. Nous ne voulons pas nous cantonner à des luttes défensives pour garantir les droits collectifs, aux mobilisations contre l’atomisation du salariat et contre la voracité des capitalistes sur nos vies. Elles sont plus que nécessaires, mais nous devons aller plus loin que la déclaration d’intention pour faire vivre un autre projet de société.
Nous décidons de mener une campagne de fond qui se donne des priorités pour porter la confrontation sur la question du travail et de ses conséquences. Il s’agit de construire l’alternative aux aliénations et destructions en prenant soin à chaque étape d’y associer des partenaires du mouvement social.
Nous devons mettre en œuvre notre propre agenda, indépendamment de celui des gouvernements et des capitalistes. Cela implique de réfléchir aux modalités d’actions dans la construction d’une vaste campagne qui serve à convaincre que des alternatives sont possibles, à peser dans le rapport de force et dans le débat d’idées et à gagner de nouveaux droits.
Il nous faut porter des revendications claires et positives, qui contiennent une amélioration concrète de la vie quotidienne, notamment au travail et qui ouvrent une perspective crédible de réussir la transformation sociale et écologique. Ces revendications sont des étapes qui participent à renforcer la confiance dans la lutte collective et qui sont des coins pour fendre le système capitaliste.
Solidaires va lancer dans les suites du congrès une campagne « Partageons le travail ».
Elle vise, en remettant en avant la question de la baisse du temps de travail à 32h hebdomadaires et de la dégressivité du temps de travail avec l’âge, à montrer des alternatives au chômage de masse et aux emplois jetables, par le partage et l’accès (à l’emploi) au travail pour toutes et tous. Enfin elle entraîne la question des mieux-être individuel et collectif, du temps libre, qui participent à l’émancipation. La baisse du temps de travail sans perte de salaire ni flexibilité est la colonne vertébrale de la campagne.
Elle mettra en avant la place primordiale des services publics pour le bien commun dans notre société et l’importance d’avoir des recrutements à la hauteur des besoins de fonctionnaires avec un statut de la fonction publique protecteur, un vrai plan de titularisation général et sans condition, des précaires, pour l’indépendance de la fonction publique par rapport au politique, dans les modalités définies au congrès d’octobre 2020.
Ce sera aussi une occasion de mettre en valeur des revendications précises pour les métiers utiles socialement comme décidé au même congrès.
La campagne posera la question des moyens et des formes de la transition et de la reconversion écologique en la liant avec les nécessaires évolutions quant à l’organisation du travail et des liens de subordination. Cela passera par la mise en avant des alternatives possibles dans la forme de propriété et dans la démocratie au travail (coopératives, socialisation, autogestion...) et par la proposition d’alternatives adaptées à chacun des secteurs professionnels, y compris dans les services publics.
Une attention particulière sera donnée au secteur industriel, notamment pour des branches actuellement tributaires des matières premières fossiles (pétrole, caoutchouc) et qui dans le même temps ne trouvent plus forcément place dans la stratégie du capitalisme européen.
Il s’agit également d’agir contre les différentes dominations et violences au travail, en lien avec nos positions développées dans la résolution 2.
Cette campagne « globale » et transversale se montera en trois temps distincts.
Tout d’abord, un temps de préparation et de construction de la campagne et de ses outils, d’octobre à décembre 2021 qui se basera sur le travail et l’action des structures de Solidaires et commissions de Solidaires, coordonnée par le secrétariat national et validée par le conseil national de janvier 2022. Pour la populariser dans le monde du travail et plus largement dans l’opinion publique, nous préparerons dans la campagne l’organisation des réunions publiques et des meetings, si possible unitaires, sur tout le territoire.
Ce travail permettra de travailler les revendications de Solidaires que nous décidons de mettre plus particulièrement en avant, à partir des décisions des congrès d’octobre 2020 et de mars-avril 2021, sur les questions de transition écologique, de santé et conditions de travail, d’emplois, de salaires et revenu, d’égalité professionnelle, de protection sociale, de droits des salarié-e-s, de libertés individuelles et publiques, de services publics et de biens communs.
Il s’agira également durant ce premier temps de voir la façon dont la campagne pourra être déclinée dans chaque secteur par l’ensemble des syndicats de l’Union, en prenant en compte / l’adaptant aux spécificités sectorielles. Il s’agira aussi de prendre en compte nos débats sur les pratiques du mouvement social dans les modalités d’actions que nous déciderons de mettre en place, comme discuté dans la résolution 3.
Un second temps, de janvier à avril 2022 servira à la formation interne des équipes pour mener la campagne, s’approprier les argumentaires, préparer le matériel, affiner le calendrier des initiatives et du rythme de la campagne…
La campagne en elle-même débutera à l’été 2022 pour aller jusqu’à l’été 2023. Nous expliquerons nos objectifs et proposerons aux autres organisations syndicales avec lesquelles nous partageons des objectifs de transformation sociale de mener cette campagne de façon unitaire. Nous ferons de même avec les associations du mouvement social. À défaut de réponses positives, nous essaierons à chaque étape de proposer à ces mêmes organisations de s’associer aux initiatives ponctuelles.
Cette campagne « Partageons le travail » doit permettre de remettre en cause des organisations du travail présentées comme évidentes et de peser dans le débat public avec la création d’un « futur désirable » décidé par les travailleurs et travailleuses qui rompt avec le « there is no alternative » (au capitalisme). Il s’agit également de voir ce qui peut être gagné (localement, par entreprise ou administration, par secteur / service public, globalement) et de montrer en quoi l’outil syndical est concrètement efficace.
Cette campagne intégrera un volet « syndicalisation » et s’appuiera sur des alternatives de solidarités concrètes qui s’organisent bien souvent à l’échelle locale.
Résolution 2 : Égalité et solidarité
Pour l’Union syndicale Solidaires, la lutte contre les discriminations découle directement des valeurs fondatrices de notre syndicalisme inscrites dans nos statuts. Cette résolution propose une réactualisation des revendications de Solidaires sur les questions d’égalité et de solidarité. Elle ne reprend pas les revendications du cahier revendicatif toujours en vigueur.
1. Discriminations
L’Union syndicale Solidaires a la volonté de transformer la société en profondeur, d’en finir avec les rapports de dominations qui s’y expriment y compris dans le monde du travail. Notre outil syndical doit permettre de combattre toutes les formes de discriminations c’est-à-dire toutes les atteintes à l’égalité des droits en particulier celles subies dans la sphère professionnelle. Nous sommes tous et toutes concerné-es par ces discriminations qu’elles nous touchent directement ou indirectement.
1.1. Les discriminations illégales
Les discriminations dans la société et dans le monde du travail sont largement documentées. Elles portent sur de nombreux critères définis dans la loi, parfois cumulatifs : l’âge, le sexe, l’origine, l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race, la grossesse, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, les opinions politiques, les activités syndicales, les opinions philosophiques, les croyances ou appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée, la situation de famille, l’apparence physique, le nom, les mœurs, le lieu de résidence, la perte d’autonomie, la vulnérabilité résultant de la situation économique et du capital social et culturel, ou encore la maîtrise de la langue. Tout n’est pas équivalent et les discriminations sexistes contre les femmes et les personnes LGBTQI+, racistes et validistes (la discrimination du handicap) sont massives.
Bien qu’elles soient connues, reconnues et illégales, ces discriminations existent massivement dans le monde du travail. Nous devons les faire connaître, reconnaître et les combattre pour changer les choses.
Solidaires revendique :
- Des politiques efficaces de lutte contre les stéréotypes et toutes les formes de discriminations dans le champ du travail comme dans l’ensemble de la société avec des outils et des moyens humains et financiers.
- Des formations et des politiques d’éducation inclusives contre toutes les discriminations à tous les niveaux pour toutes et tous : écoles, services publics, entreprises, collectivités, associations, institutions.
- La fin des politiques et pratiques discriminatoires au travail, dans l’espace public, dans les services...
1.2. Les discriminations légales
Il existe des discriminations légales en France comme les emplois réservés, la clause de nationalité, la reconnaissance différente des diplômes selon le pays d’obtention. Ce n’est pas parce qu’elles sont légales qu’elles sont nécessairement justes.
La restriction de l’accès à la fonction publique et à un poste statutaire dans les entreprises publiques aux personnes de nationalité française ou européenne a pour conséquence une contractualisation massive des personnes extra-européennes, dans les secteurs comme la santé ou l’éducation (auparavant à la SNCF ou aux PTT). A compétences égales, ces travailleurs et travailleuses à n’ont pas le même statut et ont des droits amputés
En France, les personnes résidentes n’ayant pas la nationalité française sont exclues de la participation aux élections. Seules les personnes de nationalité d’un pays de l’Union européenne peuvent participer uniquement aux élections municipales et européennes. En revanche, tous les étrangers et les étrangères participent aux élections professionnelles. Cependant, ils et elles ne peuvent être désignée-es pour siéger aux prudhommes.
L’Union syndicale Solidaires revendique :
- La reconnaissance de l’équivalence des diplômes extra-européens par rapport aux diplômes nationaux.
- Le droit de vote à toutes les élections des étrangers qui résident en France.
- Le droit des travailleurs-euses étrangers-ères à être désigné-es aux prud’hommes.
- Suppression des conditions de nationalité qui persistent dans l’accès à de nombreux droits et emplois de divers secteurs privés et publics et toutes les implications en terme d’égalité des droits, notamment à la retraite.
- Égalité de traitement et dans les statuts de tous les personnels quelles que soient leurs origines.
Les discriminations illégales se nourrissent facilement des tensions crées dans la vie publique surtout dans un contexte sécuritaire. Il est facile pour les employeurs d’écarter pour l’embauche des candidatures sur la base de la consonance du nom ou d’une appartenance religieuse supposée.
L’Union syndicale Solidaires exige l’application de la loi et donc :
- L’arrêt des discriminations pratiquées et des sanctions réelles (avec renforcement de l’inspection du travail) pour les employeurs qui embauchent selon la nationalité, le lieu de résidence ou selon les origines réelles ou supposées sur certains postes de travail
- La fin des discriminations légales sur l’emploi des femmes pourtant réalisée dans les années 80, n’empêche pas les difficultés actuelles d’accès à certains emplois par le maintien de forts stéréotypes de genre ou liés aux conditions de travail, de sécurité. Ainsi, les inégalités de salaires entre conventions collectives pour des métiers à présence féminine ou masculine dominante et de qualifications équivalentes demeurent très élevées. Il existe aussi des inégalités du côté des primes. Se perpétue l’idée réactionnaire d’un salaire féminin d’appoint.
De plus, aujourd’hui encore, certaines filières de formation demeurent extrêmement genrées. Il est alors difficile de trouver des candidates et des candidats dans des métiers autrefois réputés masculins ou féminins.
1.3. Racisme et sexisme
Le sexisme et le racisme sont structurants : c’est-à-dire qu’ils déterminent la manière dont le marché du travail est organisé et dont les personnes concernées vont être exploitées de manière particulière.
Le sexisme et le racisme sont structurants. Dans notre société capitaliste et patriarcale, ils déterminent la manière dont le marché du travail est organisé et dont les personnes concernées vont être exploitées de manière particulière.
Les discriminations dans l’emploi les plus importantes concernent l’origine réelle ou supposée (en particulier en fonction de la couleur de peau), l’apparence physique, l’état de santé ou le validisme (la discrimination du handicap), l’âge et le sexe ou la nationalité (pour l’accès aux concours de la fonction publique notamment).
Cela génère une hiérarchie visible dans les grilles de salaires et de qualifications des conventions collectives et, dans le statut de la Fonction Publique, des métiers à prédominance féminine. Les femmes subissent des discriminations salariales, accèdent plus rarement à des responsabilités que les hommes et sont davantage précarisées et à temps partiel imposé. La féminisation de certains métiers est utilisée par le patronat pour faire stagner les salaires de branches professionnelles entières. Les femmes subissent aussi de nombreuses violences sexistes et sexuelles au travail.
1.4. Immigration et emploi
Depuis la Première Guerre mondiale, l’État et le patronat ont organisé l’immigration de travailleur-euses venant notamment des pays soumis à la colonisation par besoin de main d’œuvre peu qualifiée notamment pour l’industrie minière, le BTP, l’automobile et de travailleurs-euses venu-es des outre-mer dans les administrations. Depuis les années 1980, la volonté de freiner l’entrée des travailleurs-euses migrant-es, leur maintien en situation irrégulière, les politiques répressives à leur encontre permettent notamment aux secteurs des BTP, de la sécurité, du nettoyage, de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la restauration d’exploiter une main d’œuvre à bas coût. Une nouvelle immigration de travailleur-euses d’Europe centrale et orientale s’est constituée depuis la chute du mur de Berlin.
Face à l’offensive des politiques et des idées réactionnaires et xénophobes, l’Union syndicale Solidaires revendique :
Droits à l’immigration
- Refus des politiques d’immigration choisie.
- Abrogation de toutes les lois et circulaires restreignant les conditions d’accès au travail pour les migrant-es et des conditions de séjour des étudiant-es étranger-es.
- L’arrêt immédiat des expulsions.
- Régularisation des sans-papiers et fermeture des CRA
- La régularisation immédiate de tous les sans-papiers.
- La fermeture des centres de rétention et l’abolition de toute rétention administrative.
- La libération de toutes les personnes emprisonnées pour défaut de papiers.
Droit au travail et à la naturalisation
- La dépénalisation du séjour irrégulier et abolition de la pratique de la double peine.
- L’autorisation de séjour et de travail sur simple demande sans condition, avec une carte de séjour de 10 ans.
- Le droit à la naturalisation.
- Le respect du patronyme des personnes issues de l’immigration dans les entreprises etles administrations.
Droit à la solidarité
- L’abrogation du délit de solidarité à l’encontre des structures ou individus solidaires des étrangers en situation irrégulière.
- L’abrogation des lois anti-immigrés, dont le CESEDA (Code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
Droit à l’éducation pour toutes et tous
- Le respect inconditionnel du droit à la protection et à l’éducation pour toutes et tous les enfants et les jeunes majeurs, sans condition de nationalité ou de logement : mineur-es isolé-es, étranger-es, enfants Roms, jeunes vivant dans des campements précaires ou dans des familles sans domicile fixe...
- La non discrimination des étudiant-es étranger-es non européen-nes (frais d’inscription...).
Droit de la jeunesse
- L’abrogation du fichage national des mineurs non accompagné-es.
- L’arrêt de la contestation de statut de mineur-es sous prétexte de suspicion de majorité (méthodes physiologiques ou morphologiques type test osseux...).
- La protection des mineurs isolé-es étranger-es et des jeunes majeurs scolarisé-es ou logé-es.
Famille, logement et droits fondamentaux
- Droit du sol plein et entier sur tout le territoire national.
- Accompagnement et regroupement familial de plein droit.
- Rejet du fichage ADN notamment pour établir des liens familiaux.
- Statut d’autonomie des femmes immigrées.
- Transferts des fonds, à frais réduits, aux familles des pays d’origine, réelle application du droit au compte.
- Accès aux droits fondamentaux : santé, logement, éducation, protection sociale...
- Droit à la vie collective et respect du domicile dans les logements foyers et reconnaissance de la domiciliation fiscale.
- Fin des conditions de régularité du séjour pour l’accès à l’hébergement d’urgence
- Fin de l’obligation de signalement des personnes étrangères hébergées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et aux préfectures.
- Une allocation permettant de couvrir les besoins de base, de santé et de dignité de toutes et tous.
1.5. Discriminations liées aux handicaps, à la santé et à l’âge
Le handicap, l’aspect physique, la maladie, l’âge jouent aussi de façon déterminante dans notre société marquée par l’injonction permanente de la performance. Malgré différentes lois donnant droit au travail des personnes en situation de handicap, nous constatons que dans une économie capitaliste basée sur le rendement et la productivité, les personnes en situation de handicap rencontrent des difficultés à s’insérer.
Les discriminations à l’embauche, au salaire, à la promotion, etc. contre les personnes malades chroniques, les personnes avec un handicap physique, les personnes neuroatypiques et toute personne en situation de handicap sont omniprésentes. Les jours de carence liés à la maladie sont discriminatoires et accroissent les inégalités salariales.
Les discriminations à l’embauche touchent aussi spécifiquement les salarié-es âgé-es, bien avant l’âge légal de départ à la retraite, en dépit de la propagande gouvernementale concernant l’emploi des senior-es
L’Union syndicale Solidaires revendique :
- L’adaptation du monde de l’emploi aux personnes non-valides : intégration réelle dans le collectif de travail, forme des entretiens d’embauche, postes de travail, consignes de travail, durée de travail...
- Contraindre les entreprises et les administrations à embaucher directement des personnes en situation de handicap
- L’adaptation de la scolarité (depuis la maternelle jusqu’à la formation continue pour adultes) aux personnes non-valides : que ce soit le lieu, le contenu de l’enseignement, les règlements, les interactions...
- Prise en compte des besoins spécifiques avec des passerelles et/ou un enseignement spécifique en institution spécialisée aux personnes en situation de handicap ou de maladie psychique et/ou au domicile.
- L’apprentissage de la langue des signes au même titre que les autres langues vivantes, dans le cadre scolaire.
- L’investissement dans la médecine scolaire afin de garantir des diagnostics et des prises en charge précoces.
- Le recrutement sur statut de fonctionnaires et la formation de personnels permettant une réelle inclusion à l’école.
- L’adaptation de l’espace public (rue, magasins, transports en commun...) aux personnes en situation de handicap dès maintenant avec un programme public (normé et budgétisé) et par l’application immédiate et contraignante des lois d’accessibilité promulguées en 2005.
- Un réinvestissement massif dans le système de santé public pour réduire les délais d’attente, des difficultés et obstacles pour obtenir des diagnostics
- corrects.
- Des prises en charge médicales adaptées et respectueuses, quand elles sont nécessaires, une assistance au quotidien, une allocation permettant de couvrir les besoins de santé et de dignité de chacun et chacune.
- La désolidarisation de l’allocation adulte handicapé des revenus du foyer.
- Une formation adaptée pour tous les personnels des services publics.
- La prise en charge des frais de santé à 100% par la sécurité sociale sans condition ni réduction des soins pour toutes et tous quel que soit le statut administratif, y compris les étranger-es.
- La suppression des conditions restrictives pour l’octroi de titres de séjour pour raisons médicales.
- Le respect inconditionnel du secret médical : abrogation du décret autorisant la transmission des données des patients, notamment en psychiatrie aux services de l’État...
- L’abrogation du texte législatif ou réglementaire obligeant le médecin du travail à transmettre le dossier de santé au travail au médecin désigné par l’employeur dans le cadre d’une contestation aux Prud’hommes de son avis d’aptitude.
- Enfin la pénibilité du travail entraîne des maladies professionnelles et des handicaps qui se traduisent par une incapacité totale ou partielle à exercer sa profession. Les employeurs préfèrent inciter un-e salarié-e à évoluer sur un autre poste plutôt que de réaménager celui-ci, quand ils ne cherchent pas à licencier. Cela induit une perte de revenu et provoque un sentiment important de dévalorisation. Nous devons combattre ces situations et accompagner les salarié-es .
- Le maintien à l’emploi par une adaptation du poste de travail et/ou une formation pour accompagner la reconversion professionnelle, sans perte de salaire.
- La mise en œuvre effective des devoirs et obligations législatives des employeurs sur leurs responsabilités en matière de santé des salarié-es.
Les discriminations sont pratiquées en premier lieu par les employeurs : les chefs d’entreprises mais aussi dans la fonction publique. En effet, les discriminations commencent au moment du recrutement, avec la sélection des candidat-es, la question des salaires et des conditions de travail.
Une fois dans l’emploi, les discriminations impliquent en premier lieu la hiérarchie, qui est en position de pouvoir, mais aussi les collègues de travail.
Lorsqu’il existe un lien de subordination, les discriminations sont aggravées par la relation de domination, elles concernent notamment la promotion, les augmentations, le traitement des questions disciplinaires et les procédures de licenciement... Elles peuvent être accompagnées d’actes de harcèlement notamment de harcèlement sexuel, les victimes étant pour l’essentiel les femmes.
La reconnaissance de ces discriminations a conduit à la mise en place de contraintes légales (égalité professionnelle, accords traitants du handicap...) sous la pression des mouvements sociaux, les syndicats relayant maintenant ces exigences.
1.6. L’Union syndicale Solidaires revendique
Au travail
- Contrôle de l’accès à la formation et à la qualification permettant une réelle progression de carrière.
- La réparation financière des retards de carrière pour les personnes étrangères embauché-es hors statut dans les entreprises publiques et des compensations pour la retraite.
- Renforcement des sanctions financières pour les employeurs qui contreviennent aux dispositions légales ou réglementaires.
- Sur-cotisation retraites pour financer l’égalité des femmes et des hommes au départ à la retraite, payée par les entreprises qui maintiennent des inégalités salariales hommes-femmes.
- L’application effective des lois et circulaires relatives à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail.
- Le renforcement des mesures de protection des victimes sur leur lieu de travail.
- L’obligation pour tous les employeurs de soutenir, aider et défendre tout-e-s les salarié-e-s qui, du fait de leur identité de genre et/ou de leur orientation sexuelle, subiraient brimades, harcèlements, discriminations, d’où qu’ils viennent.
- Une égalité des salaires réelle entre hommes et femmes, avec réparation financière par l’employeur des inégalités constatées au moment de la mise en place de la mesure de remontée des salaires des femmes.
- La cotisation à 100% de l’employeur des congés de droit et de tous les temps partiels.
- La reprise effective et automatique de l’ancienneté du contrat de travail quand les personnes changent de genre.
- La non discrimination à l’embauche avec des sanctions financières pour les employeurs.
- Renforcement des sanctions financières pour les employeurs en cas de discrimination à l’embauche.
- Mise en place d’actions négociées au niveau des entreprises et des branches, comme dans la Fonction Publique, sur le thème de l’égalité vis-à-vis de l’orientation sexuelle et l’identité de genre avec une obligation de résultat (mise en place d’indicateurs, suivi, contrôles, sanctions).
- Ouverture de droits afférents à la parentalité aux parents n’apparaissant pas comme parents biologiques.
- Une égalité des droits effective concernant les congés de parentalité, familiaux, décès, adoption, la protection sociale, le supplément familial, la mobilité...
- Aménagement d’espaces et de temps dans l’organisation de travail pour permettre l’allaitement.
- Gratuité des protections périodiques, mise en place de distributeur dans les lieux d’étude et de travail.
Travailleurs-euses migrant-es
- Droit au travail, à l’alphabétisation et à la formation professionnelle pour tou-tes les migrant-es.
- Mesures contre le travail dissimulé avec des sanctions accrues contre les employeurs (y compris les particuliers employeurs) et le développement du rôle et des moyens de l’Inspection du travail. Les salarié-es doivent être épargnés par les sanctions.
- Prendre en compte dans l’accueil des migrant-es, la spécificité des femmes et des violences qu’elles subissent (viol, prostitution...) et proposer des hébergements non mixtes.
Dans la société
- La mise en place de dispositifs dédiés permettant de réfléchir et sensibiliser aux discriminations et stéréotypes de genre, afin de les déconstruire dans les formations dès la crèche et tout au long des parcours professionnels avec des modules obligatoires sur les problématiques de genre dès la formation initiale quand elle existe comme un renforcement de l’offre de formation continue sur ces questions.
- Une politique de prévention et de suivi, et des prérogatives et moyens pour le faire dans les instances du personnel (du public comme du privé).
- Le respect du prénom et des pronoms d’usage partout, dans les entreprises comme dans les administrations.
- Le renforcement et le renouvellement des campagnes publiques de prévention contre le VIH/Sida, hépatites et Infections Sexuellement Transmissibles.
- Des structures d’accueil publiques pour les victimes de LGBTQI+phobies.
- Des aides publiques aux associations de lutte contre les LGBQTI+phobies.
- La fin des mutilations, stérilisations, traitements hormonaux non consentis sur des personnes intersexes quel que soit leur âge.
- Le droit à l’autodétermination des personnes intersexes.
- La possibilité de changement d’état civil libre et gratuit par simple déclaration devant un officier d’état civil en mairie, sans intervention des pouvoirs médicaux et judiciaires.
- « L’Union syndicale précise qu’elle reconnaît le genre des femmes et des hommes transgenres. Ainsi, que des personnes non-binaires. »
- Lutter contre les violences liées à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
- Solidarité internationale LGBTQI+ avec droit d’asile automatique.
- Dépathologisation des transidentités, le démantèlement de la SOFECT, FPATH/France Santé avec un parcours de soin remboursé à 100% sans condition, quel qu’il soit.
- Le remboursement à 100 % des frais médicaux de transition sans condition, y compris à l’étranger lorsqu’elles ne peuvent pas être réalisées en France.
- Présence d’une mention « autre sexe » sur les documents d’état civil et d’identité.
- Des protocoles clairs de gestion des situations de violence avec un personnel formé dans le public comme dans le privé.
- L’extension des congés maternité, paternité et la suppression des jours de carence.
- Développer un véritable service public de la petite enfance et de la prise en charge de la dépendance, en effet, les femmes occupent la grande majorité des emplois à temps partiels, notamment pour s’occuper des tâches domestiques et de la garde des enfants et des proches en perte d’autonomie.
PMA
L’Union syndicale Solidaires revendique et exige le droit pour chacune et chacun de pouvoir organiser et construire sa vie comme il ou elle l’entend, seul-e ou pas. Il en est de même en matière de filiation. La loi relative à la bioéthique permet à toutes les femmes, en couple ou célibataires, d’avoir recours à la PMA, prise en charge par la sécurité sociale au titre de la solidarité nationale. L’Union réaffirme l’importance de libre accès à la PMA, celui-ci ne devant faire l’objet d’aucun verrou moral, psychologique... Nulle femme ne doit voir son choix d’avoir un enfant soumis à l’obtention d’un pseudo permis délivré par une autorité administrative ou autre. D’autre part, ce droit ne peut avoir d’effectivité que dans le cadre d’une harmonisation des législations internationales qui y donne accès également à toutes et tous quel que soit le pays. Cela implique de ne pas livrer au marché ce libre choix.
- Remboursement à 100 % de la PMA.
- Une PMA pour tous.tes, incluant les personnes trans, le libre choix du degré de médicalisation, qui préserverait le droit à l’anonymat du don de gamètes et le droit à l’accouchement sous X.
- Le maintien des Centre IVG de proximité et la création de nouvelles structures en fonction des besoins du public.
- Formation de l’ensemble des étudiant-es en médecine.
- Suppression de la clause de con-science dans les établissements publics de santé.
- L’intégration de l’aide à domicile dans le service public.
- La prise en compte du genre et du sexe dans l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques professionnels.
- La prise en compte totale du congé parental dans l’ancienneté, quelle que soit sa durée.
- La prise en compte systématique de la situation de parentalité pour les horaires de travail.
1.7. Discrimination syndicale
La discrimination de l’activité syndicale, si elle ne renvoie pas aux même mécanismes est néanmoins bien présente dans les entreprises, les services et administrations.
Nous entendons ici distinguer la discrimination syndicale de la répression anti-syndicale, la forme discriminatoire étant plus insidieuse et parfois difficile à démontrer. La protection dont disposent les élu-es, candidat-es ou représentant-es du personnel-les est loin d’être toujours respectée, et n’exclut pas les entraves à la promotion, aux mutations, aux demandes diverses d’aménagement, tous ces éléments constituent des différences de traitement qu’il est possible de démontrer. Pour Solidaires, être militant ou militante ne doit conduire à aucun privilège ni aucune discrimination.
Le patronat et les employeurs publics ont tôt fait de s’en prendre individuellement à des militant-es pour léser l’organisation syndicale et faire des « exemples » afin de briser toutes velléités d’actions syndicales.
- Protection institutionnelle de tous-tes les représentant-es syndicaux, y compris à la fin de leur mandat.
- Obligation de réintégration, après licenciement ou radiation des cadres pour fait syndical.
- Sanctions pénales individuelles pour tout-es employeur-euses responsables de discrimination syndicale.
La prise en charge des situations de discrimination syndicale n’est pas qu’une prise en charge d’une situation individuelle, car elle affecte le collectif syndical. C’est pourquoi elle sera envisagé à chaque fois que possible de manière collective (par exemple : examens collectifs de situations de discrimination en groupe de discriminé-es, syndicat intervenant volontaire dans les procédures...).
2. Oppressions/exploitations
2.1. Systèmes de domination
Les systèmes de domination s’appuient sur les interactions entre, notamment, trois mécanismes que sont l’exploitation, les discriminations et l’oppression. Ces mécanismes sont imbriqués et se nourrissent les uns les autres.
L’exploitation est l’action de capter une plus-value sur la valeur créée par le travail d’autrui. Dans le capitalisme, ceux qui détiennent les moyens de production exploitent celles et ceux qui, ne les détenant pas, sont forcé-es de vendre leur force de travail. Capitalisme et patriarcat exploitent le travail gratuit des femmes. Dans la division internationale du travail, les pays riches exploitent les pays pauvres etc. L’exploitation est un rapport économique.
Les discriminations sont des inégalités de traitement infligées à une personne ou un groupe de personnes reposant :
- sur une identité assignée en fonction, notamment, du sexe, de l’origine, de la religion, de l’orientation sexuelle, de l’état de santé, de l’âge, de l’apparence physique, de la situation administrative, le lieu de résidence, etc.
- sur des activités spécifiques (politiques, syndicales, professionnelles, etc.). Les discriminations sont des manifestations des processus d’inclusion et d’exclusion relatifs aux représentations et normes sociales. Exploitation et discrimination sont des éléments constituants de l’oppression.
L’oppression est l’exercice du pouvoir d’exploiter, déposséder, discriminer, marginaliser, subordonner, violenter (symboliquement ou physiquement), contraindre etc. un groupe ou une catégorie sociale. L’oppression peut-être le fait d’institutions (un État, une coalition d’États, une institution religieuse, une entreprise, etc.), de groupes organisés (milices privées, groupes politiques racistes, sexistes, classistes, etc.) ou d’individu-es sur d’autres individu-es (harcèlements sexistes par exemple). On parle d’oppression sexiste, raciste et de classe, on pourrait aussi parler d’oppression validiste, âgiste, etc.
Par exemple, le capitalisme exploite l’ensemble de ceux et celles qui ne détiennent pas les moyens de production — mais aussi certain-e-s de ceux et celles qui en détiennent, comme par exemple les libraires indépendant-e-s broyés par Amazon, les livreurs ubérisés qui ne possèdent que leur vélo... — et les opprime pour maintenir son ascendant.
Le patriarcat (système de domination du masculin qui incarne à la fois le supérieur et l’universel) opprime les femmes et les LGBTQI+ (avec les normes de genre qui pèsent sur l’identité).
Le racisme opprime les personnes dites racisées. La notion de racisé renvoie à un concept sociologique. Elle est constituée sur la base du terme race et indique par l’emploi d’un adjectif qualificatif l’idée d’un processus de construction sociale et non pas une réalité biologique. L’expression « racisée » fait donc référence à une construction sociale des catégories de domination qui consiste entre autres à l’attribution automatique de certaines compétences et comportements à un groupe, simplement du fait de leur origine réelle ou supposée ou encore de leurs couleurs de peau.
L’hétéro-patriarcat, fusion du patriarcat et de l’hétéronormativité, impose comme norme un couple homme-femme avec un homme dominant, opprime les LGBTIQ+ et les femmes.
2.2. Oppression
Une oppression repose sur la construction de groupes auxquels sont attribués des qualités imaginaires dites « naturelles ». Celles-ci permettent la mise en œuvre de rapports sociaux de domination. Ainsi les membres assimilés au groupe sont tendanciellement et organiquement opprimés et discriminés. Celles et ceux qui appartiennent à des minorités opprimées ne sont pas uniquement discriminé-es comme individus mais sont marginalisé-e-s dans un système qui repose sur l’inégalité entre groupes.
De plus ces oppressions se croisent et se cumulent, entraînant souvent des oppressions spécifiques (les femmes racisées par exemple ne subissent pas seulement deux oppressions, mais une combinaison d’oppression et d’exploitation d’un type particulier).
C’est ce qu’on désigne aujourd’hui sous le terme d’intersectionnalité. Il s’agit par-là de rendre compte de la complexité des situations qui se trouvent au croisement des oppressions économiques, de genre, racistes... Pour Solidaires, cela a des implications en matière d’attention aux revendications, aux alliances avec les structures qui ne sont pas en contradiction avec nos valeurs pour prendre en compte systématiquement la parole des plus opprimé-es, des plus exploité-es.
Intériorisation des oppressions
Les oppressions et dominations ne se réduisent donc pas uniquement aux discriminations : stéréotypes et préjugés, invisibilité, dévalorisation, répartition des tâches et rôles sociaux, violences symboliques et physiques... sont des manifestations des rapports de domination dans notre société. Au fil du temps, l’oppression comme la domination sont intériorisées par une grande partie des dominé-es qui vont trouver « normales » leurs situations et peuvent ne pas percevoir les rapports de domination. Tout un chacun et chacune est construit socialement par les rapports de domination. L’intériorisation tout comme l’invisibilisation des oppressions contribue à la reproduction sociale des hiérarchies et des rapports de domination, d’autant que les groupes dominants font passer leurs intérêts particuliers comme les intérêts de tous et tout-es.
Il est important de distinguer les formes intériorisées et involontaires du racisme, du sexisme ou du validisme des formes assumées et revendiquées. Nous sommes toutes et tous susceptibles de tenir des propos ou avoir des attitudes sexistes, racistes ou validistes sans même en avoir conscience. Le reconnaître est une première étape qui permet d’entamer un processus de déconstruction. Dans le cas où ces actes sont assumés ou revendiqués, il faut considérer que la personne se met de fait en opposition avec nos valeurs.
Les processus d’intériorisation sont difficiles à expliquer et à déconstruire car le discours dominant se présente comme neutre et ignore les violences perpétrées et perpétuées. L’Union syndicale Solidaires s’attache à rendre visibles ces oppressions pour mieux les combattre.
De même, nous devons participer à faire émerger les paroles des groupes opprimés, permettre leur diffusion et soutenir l’auto-organisation des personnes opprimées. Pour comprendre les paroles qui se révèlent et les mécanismes d’oppression qui s’exercent, il faut continuer à parler en termes d’exploitation, d’oppression et de domination et se battre pour une réelle émancipation de toutes et tous.
Pour incarner un syndicalisme de transformation sociale, et y parvenir, nous ne pouvons éluder la question de la place allouée aux premiers et premières concernées unes et aux autres au sein même de nos organisations selon des modalités à définir.
Toutes ces normes et stéréotypes contribuent à la dévalorisation des métiers et des qualifications, au nom du fait que les compétences requises seraient innées : par exemple les métiers du soin seraient « naturels » pour les femmes et les plus durs du bâtiment pour les hommes immigrés. Ces activités sont pour l’essentiel en bas de la hiérarchie du marché du travail, ce qui vient confirmer le caractère oppressif de cette dévalorisation.
- Nous revendiquons la revalorisation des métiers considérés comme « peu qualifiés », souvent réservés principalement aux femmes ou aux immigré-es des améliorations des conventions collectives au niveau des statuts, des enjeux de pénibilité, de salaires, de droits à congé, de 13e mois...
Si nous visons une universalité par l’égalité des droits, reconnaître les dominations est nécessaire pour voir le chemin à parcourir pour ce combat. Pour cela :
- Nous sommes pour le respect de l’esprit et de la lettre de la loi de 1905 sur la laïcité.
- Nous combattons le racisme sous toutes ses formes.
- Nous luttons contre l’antisémitisme inscrit dans l’histoire de la France et de l’Europe et toujours vif aujourd’hui.
- Nous combattons le racisme lié à l’histoire coloniale, à l’encontre des personnes africaines, arabes, asiatiques, antillaises, guyanaises, polynésiennes, kanaks ou réunionnaises, racisme qui touche les générations successives et qui a de lourdes conséquences sociales, répressives, discriminatoires au travail, dans l’accès au logement, aux services publics.
- Les populations ultramarines sont victimes de discriminations particulières dans les départements et régions d’Outre-mer dans l’accès aux services publics, sur les prix, les salaires (SMIC...), le développement économique.
- Nous dénonçons et combattons toute forme de discrimination liée aux croyances religieuses, notamment lorsqu’elles sont porteuses de pratiques racistes.
- Nous luttons contre le patriarcat, la domination masculine et les modèles hétérosexués. Les violences répétées montrent que les progrès de l’égalité en droits sont loin d’être réellement acceptés dans les faits. L’utilisation de ces dominations continue à produire ses effets dans le monde du travail.
- Nous combattons le validisme, discrimination fondée sur les capacités, qui s’appuie sur le maintien de discriminations anciennes et se renforce sous l’impact de l’idéologie de la performance, de la compétition, de la séduction qui accompagne le néolibéralisme. Cette stigmatisation tend à s’étendre aux personnes âgées qui ne sont pas toujours inactives socialement ou dépendantes (âgisme).
3. Nos valeurs et leur dévoiement : la nécessité de se réapproprier le langage
3.1. Notre langage...
Le capitalisme est un système de prédation qui s’exerce aussi sur le langage et les concepts. Il s’agit de neutraliser certaines pensées critiques en vidant ou détournant les mots de leur sens. Ainsi des expressions comme « l’égalité des chances », l’utilisation détournée d’équité en lieu et place d’égalité ou encore la promotion de la « diversité » participent à alimenter cette novlangue, véritable entreprise de liquidation de certaines valeurs.
Égalité
L’égalité formelle, celle des droits, celle des citoyen-nes comme des autres résident-es en tant que tel-les est fondamentale mais que vaut-elle sans égalité réelle ou matérielle, sociale économique ?
L’égalité des droits est une revendication pivot pour nous, mais si on ne fait pas attention ce concept est vite utilisé contre nous. C’est là qu’intervient un concept important : égalité réelle/égalité formelle.
Il suffit de regarder l’inégalité salariale femmes/hommes pour se rendre compte que la loi ne fait pas l’égalité. Mais cela implique de remettre en cause les avantages des dominant-es. Quand certain-es sont discriminé-es, d’autres bénéficient de cette situation même s’ils ou elles n’ont rien fait pour. Le reconnaître est un moyen de pouvoir mener des combats communs.
Égalité, équité et justice sociale
Dans une situation d’inégalités, l’équité peut avoir le sens de l’exigence de justice distributive ou redistributive. Il en est de même de l’action positive qui permet de rétablir une situation déséquilibrée (favoriser la présence de femmes dans des postes à responsabilité par exemple). Si par exemple on réclame que chacun paye un montant égal d’impôts... c’est égal mais pas équitable.
L’équité suppose donc la solidarité : si je gagne moins, je paye moins d’impôts, si je gagne plus, je paye plus pour celles et ceux qui peuvent moins. C’est donc le système de mise en commun et de répartition contre la stricte répartition arithmétique (1=1), égalitaire en apparence seulement. Par exemple quand le pouvoir, pour la réforme des retraites par points dit que c’est plus égalitaire et universel (1 euro cotisé un euro versé à la retraite, pour tous et toutes) c’est en réalité une uniformisation socialement injuste (ne prend pas en compte les situations réelles, économiques et sociales, les diversités de carrière, notamment hommes/femmes).
L’égalité des droits décrétée et proclamée n’empêche pas l’existence de véritables inégalités, tant sociales que patrimoniales. C’est la question centrale de la répartition des richesses et de la justice sociale.
3.2. ...et le leur
Le capitalisme s’est attaqué à détruire les droits mais tente aussi de dévoyer les exigences d’égalité portées par les mouvements sociaux et d’émancipation. Ainsi en laissant entendre qu’une réponse est apportée aux inégalités, il œuvre pour contrer la portée subversive des revendications et favoriser des actions volontaires non contraignantes, des « bonnes pratiques »...
Équité contre égalité
La notion d’égalité, dans les discours patronaux, est de plus en plus remplacée par celle d’équité dans son interprétation libérale. L’équité serait censée prendre en compte les différences et particularismes fondamentaux entre individus. C’est de cette manière qu’on nous refuse l’égalité dans toutes ses dimensions : sur les salaires (par exemple par la non prise en considération des primes), sur la promotion... il faudrait tenir compte des « compétences », des « parcours » différents.
Égalité des chances
Dogme de l’Éducation Nationale, tous et toutes auraient la même chance de réussir par l’école. Et l’émulation et la concurrence pousseraient chacun-e à se dépasser et à développer ses « talents » et faire preuve de « mérite ».
En fait, ce modèle de prétendue « égalité des chances », c’est la perpétuation des inégalités sociales, en se refusant les moyens de compenser les différences d’environnement des enfants.
En faisant croire à chacun-e que « l’égalité des chances » est effective, cela contribue à désolidariser et à atomiser notre société. Cela fait abstraction du déterminisme social fondé sur des différences d’accès au capital social et culturel.
Diversité et discriminations
Le label « diversité » et les politiques de « promotion de la diversité », la « Charte pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique » sont des mesures mises en place par les gouvernements successifs soi-disant pour lutter contre les discriminations.
Le label est un ornement et un argument publicitaire. Ces politiques font donc écran au fond du problème : les inégalités sociales auxquelles s’ajoutent souvent les discriminations raciales, sexuelles etc.
Égalité salariale hommes/femmes : des mesures peu contraignantes qui ne produisent pas l’égalité réelle
En matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous sommes continuellement confronté-es aux mêmes situations : pas de mesures fortes et coercitives pour supprimer une bonne fois pour toute les écarts de rémunération et de promotion mais « des enveloppes financières » destinées à réduire quelques écarts dans des situations individuelles. La situation n’est pas tout à fait identique dans le public et dans le privé. Dans la fonction Publique les accords Égalité professionnelle sont vides de sens et surtout non contraignants.
Dans le privé, avec les nouveaux critères issus de la loi sur l’égalité professionnelle de novembre 2018, les entreprises peuvent encore plus facilement qu’avant contourner leurs obligations. Effectivement, la loi instaure la mise en place de 5 critères en leur attribuant à chacun un nombre de points (100 points au total). Si une entreprise obtient moins de 75 points alors elle s’expose à de possibles sanctions financières pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale.
La supercherie réside dans la facilité offerte aux entreprises de remplir les critères afin d’atteindre facilement les 75 points! un exemple: la comparaison du nombre de femmes augmentées par rapport aux hommes : ce critère peut rapporter 20 points. Pour obtenir 20/20, il faut qu’il n’y ait pas plus de 2% d’écart entre le pourcentage de femmes et d’hommes augmenté-es. Le hic, c’est que l’on prend en compte seulement le nombre de femmes et d’hommes augmenté-es, sans s’intéresser au montant de leur augmentation! De plus, on ne regarde que les augmentations individuelles du salaire de base, pas la part variable! On passe ainsi à côté des facteurs les plus discriminants pour les femmes.
C’est à nous par notre travail syndical et nos luttes d’imposer des outils utiles et contraignants dans le public comme dans le privé.
4. Les luttes syndicales pour l’égalité et la solidarité
4.1. Les discriminations et les oppressions engendrent de l’exclusion et renforcent la souffrance au travail : lutter contre relève du rôle du syndicat.
Notre Union doit combattre toutes les formes d’atteintes aux droits, en particulier lorsqu’elles touchent les personnes les plus vulnérables. Il est bien évident que ce sont les personnes les plus discriminées qui sont les plus précaires, les moins rémunérées et les moins reconnues dans leur carrière professionnelle et les plus exploitées à des positions de subordination extrêmes. Ce sont elles aussi qu’on retrouve dans la plupart des entreprises de sous-traitance, en situation de droits dégradés par rapport aux travailleurs et travailleuses des entreprises donneuses d’ordre, quand elles ne sont pas tout simplement invisibilisées.
Pour l’Union syndicale Solidaires, l’égalité des droits dans l’emploi, comme dans toute la société n’est pas négociable et nécessite l’engagement et la solidarité de toutes et tous pour atteindre cet objectif.
4.2. Organisation interne, difficultés et enjeux
Notre Union syndicale Solidaires veut rassembler sans distinction de sexe, d’origine, de religion, etc. En interne, malgré la volonté d’agir pour une meilleure participation et intégration de toutes et tous, nos pratiques demeurent insuffisantes et très hétérogènes selon les structures. Notre Union doit aussi s’attacher à renforcer le partage entre ses structures membres, en permettant à toutes et tous, de mesurer les avancées positives ayant pu être obtenues.
Les difficultés rencontrées au quotidien pour militer font que des stéréotypes peuvent venir percuter notre objectif. Notre Union n’est pas épargnée. Nous devons nous attaquer, sans faillir, à toutes les formes de discriminations en interne, et garantir à toutes et tous, un droit réel à pouvoir librement militer et à accéder à toutes formes de responsabilité syndicale.
Notre Union, dans sa composition militante, mais également adhérente doit être à l’image du monde du travail dans toutes ses composantes, ce qui implique que les plus opprimé-es, les plus dominé-es, les plus exploité-es puissent y tenir toute leur place. Nous sommes conscient-es des difficultés et des résistances : il faut du volontarisme pour que les personnes premières concernées puissent prendre leurs affaires en main.
La représentation interne et externe de notre organisation est souvent déséquilibrée avec en particulier une sous-représentation des femmes et des personnes racisées. Nous devons avoir cette volonté au sein des instances représentatives, des mandats syndicaux et des instances syndicales. Notamment, la parité doit être un principe de base.
4.3. Commissions et groupe de travail
L’Union syndicale Solidaires a mis en place plusieurs commissions qui travaillent aujourd’hui sur ces sujets : commission femmes, commission genres et sexualités, commission immigration. Leur travail permet de produire des avancées importantes pour toute notre organisation.
Plusieurs structures nationales et locales ont d’ores et déjà des commissions femmes ou antisexistes.
Ces sujets étant transverses et pour atteindre nos objectifs, l’ensemble des commissions doit les prendre en charge.
Sur certaines questions, comme l’antiracisme, les discriminations liées au handicap et à la santé... pour progresser nous avons besoin de faire en sorte que les personnes les plus impliquées et les plus concernées puissent pousser la réflexion et faire des propositions d’action.
A ce titre Solidaires se dote d’une commission sur les discriminations liées au handicap, d’une commission antifasciste et d’un groupe de travail antiraciste.
4.4. Formations, déconstruction, stéréotypes
L’Union syndicale Solidaires réaffirme l’importance de contribuer, au travers de ses productions et expressions, à la mission d’éducation populaire favorisant l’esprit critique. La déconstruction des clichés, des faux semblants, des mensonges d’État et autres sur tous ses sujets doit guider nos stratégies.
En interne, tous les moyens doivent être déployés pour proposer des formations pour lutter contre toute forme de discriminations (le catalogue de formations du CEFI-Solidaires ou les journées intersyndicales Femmes par exemple).
Bien que militantes et militants, nous avons nous-mêmes intériorisé les stéréotypes existants. Des rapports de domination existent également au sein de nos organisations syndicales. Nous devons donc déjà les déconstruire en interne pour pouvoir mieux les déconstruire en externe.
Il est nécessaire de se doter d’outils communs pour dénoncer et agir en interne comme en externe. L’un d’eux pourrait être une charte rappelant nos valeurs débattues et développées dans nos textes de congrès et leur mise en application entre militant-e-s. L’appel à des intervenantes et intervenants extérieur-es peut être une ressource utile à notre Union.
4.5. Moyens d’action et outils
Permanences syndicales
Dans les permanences syndicales tenues par les Solidaires locaux, nous accompagnons des personnes qui ne trouvent pas les moyens syndicaux dans leur entreprise ou leur administration pour se défendre. Ainsi les permanences pour les travailleurs et travailleuses sans-papier devraient continuer à se développer sur l’ensemble du territoire. C’est toute une partie du monde du travail qui est dans cette situation et c’est notre responsabilité d’y répondre en faisant avancer l’égalité des droits.
Les outils statistiques
La lutte contre les discriminations implique la capacité de les mettre en évidence. Lorsqu’il y a un nombre conséquent d’individus, les méthodes statistiques sont des outils de diagnostic que les tribunaux commencent à reconnaître (comme dans le cas des Chibanis de la SNCF), et que les employeurs ont plus de mal à réfuter. L’objectif est de se doter d’outils nous permettant de contrôler l’efficacité des mesures contraignantes qui sont imposées aux employeurs publics ou privés et vérifier qu’elles soient respectées. En outre, ces outils serviraient à identifier toutes les formes nouvelles de discriminations, d’injustice, et à construire de nouveaux axes revendicatifs et d’action.
La mesure des inégalités n’a de forme légale que sur des questions très particulières : les accords égalités femmes-hommes et sur le handicap obligent à des données chiffrées. Néanmoins, celles-ci sont souvent insatisfaisantes.
La question des outils de mesure de discriminations raciales, notamment dans les entreprises et les administrations, doit être débattue pour forger des outils de lutte syndicale.
Les outils juridiques
Le combat juridique ne vise pas à remplacer l’action syndicale mais à la compléter. Le droit est un outil dont nous pouvons aussi nous saisir. La lutte sur le terrain et le combat d’un point de vue juridique peuvent/doivent aller de pair. L’utilisation des outils juridiques sur la question des discriminations (y compris des discriminations syndicales), en action individuelle soutenue par les syndicats ou en actions de groupes (comme Sud-Rail sur la discrimination des travailleurs/euses en situation de handicap à la SNCF) doit être partie prenante de notre stratégie syndicale. Elle peut permettre en s’appuyant sur les contradictions existantes entre la loi, les principes, et les situations réelles de dénoncer sur les lieux de travail et de façon publique les situations de discriminations et d’obtenir des victoires qui font évoluer la situation. Il est intéressant de noter qu’il est arrivé aux tribunaux de reconnaître la pertinence d’outils syndicaux (méthode Clerc).
Lanceurs-euses d’alerte
Sur toutes les questions en lien avec les principes d’égalité, de solidarité, nous devons soutenir celles et ceux, individus ou organisations, qui dénonceraient les atteintes à ces principes et nous donner les moyens de porter ces atteintes sur la place publique. L’engagement de l’Union au sein de la Maison des Lanceurs/euses d’Alerte doit être renforcé.
Des observatoires
Ce travail de mise en évidence peut s’appuyer sur les études de l’observatoire des discriminations ainsi que celles du/de la défenseur/euse des droits, qu’il conviendra d’alerter en retour sur les situations constatées. De la même façon, l’observatoire des répressions syndicales doit être informés des cas de discrimination syndicale.
4.6. Cadres collectifs et alliances
Nous sommes partie prenante d’associations comme VISA, DAL, ATTAC, la Maison des Lanceurs/euses d’alerte, ou de collectifs comme #NousToutes entre autres. De plus, localement et nationalement nous intervenons et sommes membres de nombreux cadres unitaires larges (États généraux des migrations...) ou de campagnes (pour exemple, Egaux-égales personne n’est illégal-e dans lequel nous travaillons avec les collectifs de sans-papiers, les associations et d’autres syndicats...).
Il existe sur ces sujets de nombreux cadres plus ponctuels, plus informels. Il est nécessaire de travailler en lien avec les associations qui se battent contre toutes formes d’oppressions et qui sont notamment présentes dans les quartiers populaires. Les collectifs informels, qui existent notamment dans certains quartiers ou communes qui se construisent d’eux-mêmes, sans cadre pré défini. Ils ne doivent pas être oubliés et peuvent être des partenaires de lutte, tels que les collectifs contre les violences policières ou encore les assemblées féministes.
4.7. Solidarité internationale
Égalité et solidarité se conjuguent nécessairement à l’international.
C’est d’abord la revendication d’une égalité de droits pour les travailleurs et travailleuses du monde entier, égalité qui doit se faire par le haut. Pourtant, c’est l’inverse que l’on constate la plupart du temps. Les directives européennes l’illustrent bien, comme celle sur les travailleurs et travailleuses détaché-es qui n’impose pas la rémunération totale du pays d’accueil et permet ainsi le dumping. Nous demandons l’abrogation de cette directive : à travail égal, salaire égal. On constate que ce sont rarement celles et ceux des pays où les salaires sont les plus élevés et les conditions de travail meilleures qui émigrent... C’est donc un moyen de payer moins cher, donc de façon inégalitaire, sur un même territoire, les immigré-es.
Il existe bien des normes internationales qui ont instauré un droit international du travail, c’est la fonction de l’Organisation Internationale du Travail, mais dans la réalité ces droits sont bafoués par de très nombreux pays.
La solidarité est une valeur internationale.
Les capitalistes opposent toujours les travailleur-ses d’un pays et l’autre, c’est par exemple le ressort des entreprises multinationales qui menacent toujours de délocaliser la production pour faire accepter des salaires plus bas ou des conditions de travail dégradées. Dans le même temps, pour augmenter leurs profits, certaines entreprises jouent sur la fibre nationale en labellisant le « made in France ». En en faisant un critère de qualité supposée meilleure de leur marchandise alors que conditionnée dans le pays mais souvent produite à l’étranger, ils méprisent et usurpent les circuits courts et locaux.
La solidarité est également nécessaire pour soutenir celles et ceux qui sont victimes de répression de discriminations et de violations de leurs droits. Elle permet de sortir de l’isolement et de rendre publique des pratiques inacceptables. A terme, elle doit aussi servir à construire ou coordonner des luttes internationales contre un capitalisme largement mondialisé.
L’Union syndicale Solidaires œuvre pour rendre concrète et effective la solidarité internationale. C’est l’une des fonctions du Réseau syndical international de solidarité et de luttes : construire, par secteurs, des liens forts entre les travailleurs et travailleuses des différents pays ; déconstruire les discours capitalistes qui opposent les un-es aux autres en faisant souvent appel au racisme, au nationalisme et à la xénophobie
L’Union syndicale Solidaires revendique :
- La liberté effective de circulation et d’installation des personnes (inscrits dans la déclaration universelle des droits humains 1948 art.13 et le traité de Rome 1958).
- L’admission et accès à une procédure de demande d’asile sur le territoire de son choix de tout-e candidat-e au statut de réfugié-e (abrogation des règlements Dublin), droit immédiat d’accès aux services publics (protection sociale, soins, assistance juridique gratuites...) et au travail (application de la convention de Genève art. 1).
- L’arrêt et suppression des systèmes de fichage des migrant-es.
- La protection des droits de tou-tes les travailleurs-euses migrant-es et des membres de leur famille (Ratification et application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 1990).
- L’abolition des pratiques de conditionnalité d’accès aux aides au développement, au soutien des politiques migratoires occidentales.
- L’arrêt du chantage aux aides au développement, les migrant-es ne doivent pas être l’objet de transaction entre les États les plus riches et les autres États.
- La suppression de l’externalisation du contrôle des frontières, du financement du refoulement et de l’enfermement des migrant-es, la suppression de l’Agence Européenne de Garde-Frontières et de Garde-Côtes (ex Frontex) et la libre circulation des personnes.
- L’abrogation des traités de libre échange qui favorisent l’exploitation des pays les plus pauvres.
- Un renforcement du droit international du travail.
Résolution 3 : Notre outil syndical
L’Union syndicale Solidaires a un peu plus de 20 ans d’existence. Notre courant syndical rassemble près de 110 000 adhérent-es, nombre qui évolue peu depuis plusieurs années. Nous pesons 3,68 % des voix sur le plan interprofessionnel, 6,4 % dans la Fonction publique, ce qui nous place au 7e rang des organisations interprofessionnelles derrière la CFDT (26,77%), la CGT (22.96 %), FO (15,24%), la CFE-CGC (11,92 %), la CFTC (9,5 %) et l’UNSA (5,99%).
1. Constat et évolution du syndicalisme
1.1. Place de Solidaires dans le paysage intersyndical
Nous rassemblons plus de 350 000 voix, le secteur privé dépasse désormais en nombre de voix (180 000) le secteur public. Solidaires est représentative par ses syndicats concernés dans à peu près 35 branches, c’est-à-dire qu’elle dépasse dans ces dernières 8 % des voix.
Notre Union syndicale couvre environ 16 % du monde du travail, entreprises et administrations, ce qui signifie que 84 % environ des travailleurs et travailleuses ne sont pas touché-es pas nos expressions, n’ont pas de possibilité de voter pour nos listes et ignorent bien souvent notre existence. Si nous sommes en progression dans de nombreux secteurs, ces données nous ramènent à la réalité électorale, élément important reflétant notre implantation et donc notre influence.
Différentes réformes sont intervenues qui affaiblissent le droit syndical et le syndicalisme de transformation sociale.
La mise en place des CSE dans le secteur privé et son pendant futur dans la fonction publique avec la disparition des CHSCT par le regroupement des instances, favorise le type de syndicalisme prôné par les organisations d’accompagnement des contre-réformes. Au-delà de la baisse du nombre d’heures de délégations, c’est à une concentration du droit syndical entre moins de mains qu’on assiste, soit à une professionnalisation du syndicalisme à tous les étages. Pour autant, si la forme favorise des syndicats à l’image de la CFDT, et également de l’UNSA qui acquiert un strapontin dans les négociations officielles interprofessionnelles hors respect des règles de la représentativité, le jusqu’au boutisme du pouvoir macronien ne laisse que des marges de manœuvre factices et des miettes à négocier pourrait bien continuer à faire évoluer les cadres et modes d’actions syndicaux, même si les syndicats d’accompagnement du capitalisme restent dans un entre-soi plutôt que de rallier une intersyndicale large. De fait, la réforme unilatérale de l’assurance-chômage à l’été 2019, comme les changements de cap sur la réforme des retraites, a pu voir des oppositions de la CFDT, sans compter la CFE-CGC qui a rallié l’intersyndicale combative lors du mouvement social des retraites dans les expressions unitaires. De même, la fusion des branches en moins d’une centaine attaque fortement le paritarisme et les droits qui y sont attachés. La réforme de la fonction publique qui lamine les commissions administratives paritaires contrarie la possibilité de défendre au mieux et en toute transparence, en préservant au mieux les carrières et intérêts des personnels. Solidaires exige le retour des CHSCT dans les entreprises et administrations.
Il nous faut repenser la construction de notre syndicalisme en lien avec les réalités sociales que vivent les salarié-es, retisser à l’intérieur du monde du travail les solidarités tout en ayant toujours à l’esprit que notre syndicalisme se doit d’être tourné vers l’extérieur, hors du lieu de travail. C’est ainsi que nous pourrons faire basculer le rapport de force en faveur des travailleur-euses, de leurs conditions de travail et de vie.
Dans un contexte particulièrement tendu pour le syndicalisme de transformation sociale, et globalement pour les contre-pouvoirs, une réflexion sur la recomposition syndicale peut être utile pour l’avenir. Nous gardons l’ambition de développer le syndicalisme de Solidaires, tout en continuant à ne pas considérer cette construction comme une fin en soi.
1.2. Solidaires face à la « crise » du syndicalisme
Le mouvement syndical, pris dans sa globalité, est confronté à une situation paradoxale : le gouvernement fait la promotion du « dialogue social » tout en refusant tout compromis. De nouvelles représentations de la colère sociale, écologique, féministe, antiraciste ont vu le jour, et interpellent le syndicalisme et ses modalités d’action. Le syndicalisme porté par Solidaires se doit de répondre et d’évoluer notamment dans ses formes d’actions, de développement tout en respectant ses valeurs et objectifs de transformation sociale.
Une politique à sens unique sous couvert de « dialogue social »
Patronat et gouvernements n’ont eu de cesse de promouvoir le « dialogue » entre « partenaires sociaux ». Ils favorisent les organisations syndicales les plus enclines à se livrer à cet exercice. Dans un même temps, ils ont sapé les bases mêmes du compromis social de l’après Seconde Guerre mondiale.
Pour autant, si patronat et gouvernement se permettent une telle politique, c’est notamment parce qu’ils estiment que le rapport de force ne les oblige plus à le faire. Or la dégradation du rapport de force pèse lourd dans les difficultés à faire émerger une stratégie alternative.
Si Solidaires se rend à des « invitations » institutionnelles par exemple du premier ministre, ou autres, c’est lorsque l’actualité (changement gouvernemental, réforme importante...) l’impose, lorsqu’il paraît important de communiquer et rendre visibles nos revendications (y compris via les médias), et dénoncer directement la répression anti-syndicale subie par des camarades.
En tant qu’union syndicale interprofessionnelle, nous voulons être invité, ce qui ne nous empêche pas ensuite de décider de boycotter les invitations et les instances si cela nous paraît approprié.
(Macron et son mouvement LREM ont encore accentué l’interpénétration de la caste politique avec les classes dirigeantes. Ainsi des postes ministériels peuvent être occupés par des DRH, par exemple. Son mépris pour les « corps intermédiaires » bouscule un champ syndical déjà affaibli par la recomposition du capital (et la destruction des collectifs de travail qui s’en suit), les fusions d’instances, ainsi que par des années de défaites.
Le tirage au sort de quelques citoyen-es dans un système qui reste dirigé par le capitalisme ne saurait tenir lieu de débat démocratique. Il faut toutefois saluer le travail effectué par la convention citoyenne sur le climat, qui montre la compétence politique de chaque individu lorsqu’on lui donne les moyens de l’exercer.
1.3. De nouvelles représentations des colères sociale, écologique, féministe, antiraciste
Le mouvement des Gilets Jaunes aura été l’expression d’un ras-le-bol de l’appauvrissement des classes populaires et de l’arrogance d’un pouvoir qui décide seul. Mouvement très féminisé, il fut constitué en grande partie par les populations pauvres ou précaires peu politisées, habitant les espaces ruraux et péri-urbains qui se sentent délaissées, recréant ainsi de véritables espaces collectifs, de débats politiques et de convivialité. Par endroits, l’extrême droite était présente mais n’a pas réussi à s’imposer. Ce mouvement est né autour du rejet d’une taxe, il a rapidement élargi ses revendications à une plus juste répartition des richesses, aux questions de services publics et de démocratie. Ce mouvement protéiforme est inédit dans sa durée et son refus de toute hiérarchie en son sein, visant au travers d’AG, commissions et coordinations pour une véritable horizontalité de fonctionnement.
Les appels de Solidaires à rejoindre dès décembre 2018 le mouvement malgré une méfiance initiale, ainsi que le travail militant pour informer, débattre et lutter ensemble ont permis de gagner sa confiance dans de nombreux territoires. Malgré des tensions, ce travail de terrain a permis de combattre les idées reçues sur les cotisations sociales, les chômeurs-euses, l’écologie, les réfugié-es... Comme sur les lieux de travail, il a pu donner là aussi corps à nos combats. Des convergences ont pu aussi être créées avec le mouvement écologiste. Enjeu clé du rapport de force, des ponts ont été construits avec d’autres populations dominées comme celles des quartiers populaires et les personnes réfugiées mais ils sont hélas restés l’exception.
Le mouvement écologiste, emporté par plusieurs marches internationales pour le climat notamment à l’appel de Greta Thunberg, a marqué l’aspiration de plus en plus de personnes à se mobiliser sur l’urgence climatique. En 2019 en France, des « grèves » du climat le vendredi ont été portées par des lycéen-es. Des dates de mobilisation ont eu lieu les samedi, sous l’impulsion d’associations, d’ONG mais aussi de syndicats, particulièrement de Solidaires, et ce pas seulement en appelant aux journées, mais aussi en participant en amont aux plate-formes communes d’organisation. La plateforme revendicative « Plus jamais ça » créée après le premier confinement dans laquelle des organisations syndicales dont Solidaires et des associations environnementales sont parties prenantes a permis de lier les revendications sociales et écologiques à travers des revendications communes.
Nombre d’ONG du mouvement écologiste prônent la désobéissance civile, et des discussions ont lieu sur les modalités d’actions non-violentes. Des convergences se construisent, mais des difficultés demeurent : par exemple différentes conceptions de l’action et les propres limites que se fixent les participant-es, ou la volonté de ne pas faire le lien (ou peu) entre urgence écologique et abandon du capitalisme.
Si les revendications sociales et écologiques peuvent converger, nous avons de réelles difficultés à porter ces thématiques dans nos entreprises et nos services, alors qu’elles devraient être partie intégrante de nos axes revendicatifs au quotidien, ne serait-ce que du point de vue de la santé des travailleuses et des travailleurs.
Le mouvement féministe reste divisé en France, même si les dernières mobilisations particulièrement autour du 25 novembre et du 8 mars ont permis des rapprochements, entre les collectifs (Nous Toutes, Rosies..), syndicats, et associations féministes. Les constructions unitaires restent complexes.
La grève féministe du 8 mars portée par Solidaires depuis 2014 impulse là aussi d’autres formes de mobilisation, donnant à la grève la dimension politique forte de stopper le travail des femmes sous toutes ses formes, mais peinant pour l’instant à en avoir la traduction plus concrète parmi les salarié-es. Il reste à faire pour que, à l’image de l’Etat espagnol où elle s’est appuyée sur un travail de fond dans les entreprises, les administrations et les quartiers (qui a pu trouver un relais syndical via la CGT espagnole), une grève massive des femmes puisse être à l’ordre du jour. La manifestation du 8 mars 2020 a été inédite, massive, et la dernière manifestation de cette ampleur avant le premier confinement. La mobilisation du 8 mars 2021 a été un succès au vu du contexte épidémique. Une nouvelle génération féministe se dessine. Solidaires se veut moteur dans le dynamisme de ces mouvements et ses nouvelles formes d’expression, tout en portant les revendications féministes issues de longues constructions dans l’histoire du mouvement ouvrier et féministe.
Ces nouvelles représentations des colères sociale, écologique, féministe et antiraciste doivent interroger nos pratiques et nos modes d’actions.
Gilets jaunes, mobilisations écologistes, féministes et antiracistes : ce sont autant de facettes de la lutte des classes. Pour autant, comme l’entreprise est le lieu privilégié de l’action syndicale, nous devons aussi nous interroger sur les manières d’intervenir dans des mobilisations nées hors de ses murs, pour les y faire entrer.
1.4. Syndicalistes, donc antifascistes
Les idées de l’extrême droite se sont largement diffusées dans la société., au point que les plateaux télés lui sont grands ouverts. Le FN/RN engrange les bons scores électoraux au point de pouvoir envisager à court ou moyen terme d’accéder au pouvoir et les groupuscules fascistes multiplient les provocations, intimidations et actes violents. Pas de doute : la bête immonde n’est pas morte et reste le pire ennemi des salarié-es, des chomeurs-euses, des femmes, des immigré-es, des personnes subissant le racisme, des LGBTQI, des jeunes et une menace pour la démocratie
Nous réaffirmons notre opposition totale à l’extrême droite sous toutes ses formes. Il n’y a aucun arrangement ni aucun compromis possible avec ces organisations et leurs thèses. Aucun compromis non plus avec le conspirationnisme qui désarme de toute pensée critique, et crée des liens avec l’extrême droite qui cultive et se nourrit des théories du complot.
Notre projet syndical se définit résolument contre toutes les discriminations. Il est donc naturel que nous nous mobilisions également contre celles et ceux qui font de l’exacerbation de ces discriminations leur cheval de bataille. Cela ne peut être qu’en pratiquant un antifascisme radical (dans le sens premier qui est de s’attaquer aux causes d’un mal, plutôt qu’à ses seuls symptômes), pragmatique (ce qui implique une continuité entre les fins et les moyens), social, lié à notre action syndicale et enfin un antifascisme de masse, qui soit le fait de l’ensemble de la population et en premier lieu du monde du travail.
Solidaires, et beaucoup de ses organisations, est partie prenante de Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes (VISA), et nous prenons toute notre place dans la campagne intersyndicale lancée en 2014, avec la CGT et la FSU, « contre l’extrême droite, ses idées et ses pratiques ».
Sur ces questions , nous ne limitons pas notre action au seul travail à l’intérieur des entreprises et des établissements publics. Nous participons régulièrement à des collectifs ou coordinations, bataillant pour qu’ils soient les plus larges possibles, sans rien céder sur le fond.
Pour Solidaires, le combat contre le fascisme ne se limite pas aux enjeux électoraux. Nous luttons plus contre la progression de l’extrême-droite et de ses idées en agissant depuis des années au quotidien pour l’égalité des droits, contre l’injustice, pour la sécurité au travail -contre le racisme et la xénophobie- que contrairement à ceux qui ne le font que par pur opportunisme électoral et qui par leurs pratiques décrédibilisent toute action politique au sens large du terme. Et c’est cela que nous devons continuer. C’est là que se mène l’essentiel de la lutte contre l’extrême droite, au quotidien, dans la fraternité des luttes où se retrouvent côte à côte l’ensemble des travailleurs et travailleuses quelle que soit leur origine.
La présence et l’activité syndicales au plus près des travailleurs et des travailleuses, quotidiennement sur les lieux de travail, la reconstruction d’un tissu syndical interprofessionnel de proximité participent d’un antifascisme concret. C’est parce que nous mènerons des luttes victorieuses sur le terrain des droits sociaux et économiques que nous pourrons faire reculer durablement les idées d’extrême-droite dont le FN/RN est l’incarnation principale. Pour ce faire, Solidaires participe activement à la création de la coordination nationale antifasciste, et au développement de VISA locaux. Avec d’autres, Solidaires organise tous les stages de formations qui permettent de mieux connaître et combattre l’un de nos ennemis historiques : l’extrême droite.
(Il est donc nécessaire que cette lutte contre l’extrême-droite et ses idées soit prise en charge par l’ensemble des structures de Solidaires, qu’elles relaient le matériel produit à ce sujet et qu’elles renforcent la coordination dans ce domaine. Cela implique aussi qu’il faut être intransigeant-e-s par rapport à d’éventuelles infiltrations ou dérives en faveur de l’extrême-droite et que les structures de Solidaires se dotent des mécanismes, y compris statutaires, pour y faire face.
2. Nos moyens de mobilisations
2.1. Nos modes d’actions
Ces dernières années, les appels à la grève mobilisent souvent assez faiblement pour diverses raisons : précarité grandissante des travailleur-euses, destruction des collectifs de travail (soustraitance, télétravail...), l’absence de victoire récente d’ampleur, faible implantation et problème de renouvellement des militant-es, le trop grand nombre de journées saute-mouton sans perspective, l’éclatement des statuts des salarié-es et des entreprises qui affaiblit le rapport de force. Cependant il existe un contre exemple avec la mobilisation de 2019-2020 contre la réforme des retraites.
Comment concilier la nécessité de rendre les mobilisations plus massives, avec la radicalisation de certaines expressions de la colère sociale ? Et faut-il tenter de les concilier ? Ou plutôt de considérer l’articulation de ces différents modes de lutte ?
L’institutionnalisation du syndicalisme a amené un certain nombre de droits qui nous permet de nous organiser mais apporte également son lot de contraintes et de questionnement sur notre fonctionnement.
La question de l’occupation et du blocage :
Dans une société fragmentée par la diminution des collectifs de travail et la promotion de l’individualisme, il devient difficile de créer du commun pour lutter ensemble. Toutefois, lorsque l’on se réapproprie des espaces, les échanges deviennent possibles. Ce fut le cas à Notre-Dame des Landes entre les agriculteurs-trices implanté-es depuis longtemps et les militant-es venus s’installer sur la ZAD. Ce fut le cas sur les ronds-points des Gilets Jaunes entre des ruraux et des citadins. On se souvient aussi des Nuit Debout, de ces débats et ces ateliers dans lesquels chacun-e a pu s’enrichir. C’est aussi le cas lors d’occupation de lieux qui servent à héberger des réfugié-es mais aussi parfois à créer des espaces d’organisation des luttes : Maison du peuple, maison des luttes ou encore squat. C’est aussi l’occupation symbolique de l’espace public avec les messages-affiches collés dans plusieurs villes dénonçant les féminicides.
Ces occupations de court, moyen ou long terme favorisent la prise de conscience et le sentiment d’appartenance à une même classe. Il en est de même des actions de blocage, décidées et menées en commun par les travailleurs/ses concerné-e-s et des soutiens extérieurs ou d’autres types d’actions (occupations de lieux de pouvoir patronaux...).
Ces actions permettent aussi de nouer des liens, de ne pas attendre les mobilisations nationales pour créer des espaces de revendication, de débat, de partage et de constructions alternatives.
Il faut noter que ces occupations d’espaces se développent en même temps que les occupations d’entreprises se font de moins en moins nombreuses, en particulier à cause de la répression qui s’exerce vis-à-vis de celles et ceux qui pratiquent cette forme de lutte. Elles étaient à la fois la manifestation d’un rapport de force et un lieu d’expérimentation de l’autogestion (en Italie dans les années 1919-1920, en France à la Libération et dans les années 70...). Force est de constater qu’aujourd’hui elles ne se font principalement dans le cadre de fermetures d’entreprises, avec des salarié-es qui luttent « le dos au mur ». Une exception parmi d’autres, la lutte des Chronopost, où le piquet de grève installé devant l’entreprise a été un élément de construction autogestionnaire de la mobilisation.
A l’international aussi, les mobilisations massives dans les rues se succèdent ces dernières années, la réappropriation de l’espace par la population permet de visibiliser les combats et de créer des espaces d’autogestion plus propices à l’organisation des luttes par le bas.
La lutte pour les retraites entre décembre 2019 et mars 2020 restera comme un moment particulier et fort. Elle a vu des secteurs professionnels importants être en grève reconductible (SNCF, RATP, éducation, Culture, énergie, collectivités territoriales par endroits) et d’autres se mobiliser régulièrement ou plus partiellement. En bloquant en partie l’économie, en s’inscrivant dans une stratégie de mobilisation longue et déterminée, elle a démontré de nouveau la centralité de la grève générale interprofessionnelle, son efficacité et son utilité. A cela se sont ajoutées des formes d’actions plus originales (dépôt d’outils de travail, chorégraphies...) et un véritable combat d’information et d’éducation populaire, qui a permis de montrer tous les dangers de cette contre-réforme des retraites. Cette lutte a permis de manière limitée certaines formes d’auto-organisation, avec une série d’AG de secteurs, mais aussi interprofessionnelles (lorsqu’elles reposaient sur une vraie organisation des grévistes à la base en lien avec les syndicats) et a aussi permis des jonctions avec les mobilisations féministes, à travers entre autres les Rosies. Bien sûr, cette lutte a eu des limites : peu ou pas d’extension dans de nombreux secteurs professionnels, difficulté le plus souvent à mobiliser les précaires et les chômeurs-ses, essoufflement par moments, échec de certaines actions. Mais elle est une lutte très importante, que nous devons analyser en détails et dont il faut tirer les éléments positifs, entre autres le rôle essentiel qu’a eu le syndicalisme de lutte et en particulier Solidaires, même si notre action n’a pas permis de dépasser les faiblesses en terme de coordination. De plus, en mobilisant aussi fortement contre le projet de la retraite à points, juste avant la crise sanitaire, la lutte a permis la suspension provisoire de celui-ci.
2.2. Nos réponses face à la « crise » du syndicalisme
Un syndicalisme bousculé par la crise sanitaire et le confinement qui a dû s’adapter :
Suite à l’annonce du confinement le 16 mars 2020 par le Président de la République, les activités de livraison ont fonctionné comme jamais, les conditions de sécurité des personnels concernés étant sacrifiées. Ainsi, à La Poste, SUD PTT a pu saisir le juge pour que soient évaluées les conditions sanitaires en place ce qui a inspiré SUD Commerce pour le faire à son tour à Amazon, aboutissant à la fermeture des six entrepôts français et à la mise à l’abri pendant un mois de 10.000 salarié-es et de leurs proches avec maintien de salaire.
Dans ces deux entreprises mais aussi dans la grande distribution en première ligne, des milliers de salarié-es ont exercé leur droit de retrait, rencontrant l’hostilité de leur employeur. La mise en application de ce droit a fait partie des centaines de sollicitations reçues sur le numéro vert mis en place par Solidaires à partir d’avril 2020, qui s’est révélé être un outil efficace en particulier auprès des travailleurs/euses des petites entreprises les plus éloigné-es du fait syndical.
Face à la pénurie de matériel de protection et face à l’exposition au virus les syndicats de Solidaires ont dû multiplier les droits d’alerte et de retrait pour dénoncer les conditions de travail des salariées. Plusieurs syndicats ont fait campagne pour reconnaître comme maladie professionnelle la contamination au COVID. Une campagne de recensement est également menée pour faire reconnaître le préjudice d’anxiété.
Le télétravail a également changé la donne dans la période. Présenté comme une forme de « protection » des salarié-es qui pouvaient l’exercer, il a aussi montré toutes ses limites (conditions d’exercice, son cumul accepté avec des autorisations de gardes d’enfants..) et la casse des collectifs de travail qu’il engendrait. La double journée de travail des femmes s’est transformée en une triple journée, augmentant le travail ménager et décuplant le travail parental. Le télétravail a compliqué pour les syndicats l’accès direct aux salarié-es pendant les périodes de confinement, mais aussi au-delà des périodes de ces périodes, lorsqu’il est resté la norme dans certaines entreprises et administrations.
Le télétravail est d’ailleurs pour notre syndicalisme une problématique supplémentaire et devra nous interroger sur notre utilisation des outils informatiques. Nous continuerons de pousser la réflexion sur l’utilisation de ces outils.
Un de nos objectifs doit être de faire entrer sur les lieux d’études et de travail ce qui s’est exprimé hors de ses murs à travers les mobilisations écologiques, des Gilets Jaunes, féministes, antiracistes, des sans-papiers... Cela passe notamment par réaffirmer l’importance du lien avec les salarié-es.
À l’inverse, la multiplication de réunions vidées de leur sens et de fonctionnement démocratique absorbent une grande partie du temps militant, augmentent la distance entre les salarié-es et leurs représentant-es, encore plus dans un contexte de diminution ou de moindre répartition du droit syndical. Réaffirmer le lien avec les salarié-es sur nos lieux de travail passe dans notre action syndicale par la rédaction de compte-rendus syndicaux, de tracts, de réalisation de vidéos et de matériel compatible avec les réseaux sociaux, par des prises de paroles, des heures d’informations syndicales mais également par la venue des militant-es et des salarié-es dans les assemblées générales d’autres secteurs d’activités ou dans nos locaux. Cela passe par l’appréhension collective du rapport de force et les moyens de le construire notamment par la grève, l’occupation du lieu de travail, la manifestation, le blocage de l’économie...
Face à un pouvoir patronal et politique autocrate, brutal et répressif, la question de la légalité d’une action à finalité légitime peut être posée : débattre de la désobéissance civile et/ou du degré de risque d’une action à entreprendre ou non ne saurait être un tabou.
Nous ne pouvons avoir de réponses toutes faites à la crise du syndicalisme et du mouvement ouvrier en général. Mais nous avons, à notre échelle, une responsabilité. Le syndicat reste la structure de base de défense et d’organisation de notre classe, en dépit des reculs du mouvement syndical lui-même.
Le rôle des travailleuses et des travailleurs, de par leur place dans la production et leur capacité à bloquer cette dernière, reste central dans la transformation sociale.
Solidaires s’est singularisé par son positionnement de refus à la fois de condamner la « violence » des gilets jaunes et de participer à la comédie du dialogue social instrumentalisée à ce moment là pour mettre fin à leur mouvement.
Ce positionnement matérialise le lien que nous faisons entre la défense des salarié-es travailleur-euses, chômeur-euses, précaires, étudiant-es et la nécessité de l’action syndicale tournée vers la transformation sociale. Ainsi, Solidaires travaille en amont avec les acteurs et actrices du mouvement écologiste, comme Solidaires construit la grève féministe en s’appuyant sur les collectifs locaux qui se construisent un peu partout. Nos conceptions syndicales (auto-organisation, maîtrise par les salarié-es de leur outil syndical et de leurs luttes...) font écho à des pratiques de la mobilisation des Gilets Jaunes et, plus largement, de ceux et celles qui agissent pour les causes écologiques, féministes, anti-racistes ou des peuples de par le monde, dans le respect de nos valeurs.
2.3. Sur les violences policières et la répression anti-syndicale
Conséquence des politiques ultralibérales, la violence sociale subie par les populations va crescendo, avec, au bout une précarité généralisée pouvant déboucher sur des drames. De même Macron oppose toujours plus de brutalité à l’encontre des mouvements sociaux et des syndicats de lutte comme le 1er mai 2019. Ses représentants, les Préfets, sont dotés d’importants moyens répressifs comme l’interdiction préventive de manifester ou encore l’interdiction de se masquer pour se prémunir des gaz.
Les fonds utilisés pour militariser la police ont augmenté, tandis que les budgets destinés aux services sociaux ont diminué. Nous voulons renverser cette tendance.
La politique du maintien de l’ordre dans les manifestations a opéré ces dernières années un revirement complet, perceptible depuis la loi travail. Caractérisée par le contact direct et inspirée des techniques employées dans les quartiers populaires, la nouvelle doctrine valide l’emploi d’armes de guerre (comme le LBD) qui blessent gravement voire tuent, ou la possibilité de « nasser » au mépris total des libertés publiques. Tout cela dans l’impunité quasi totale de leurs auteurs, couverts systématiquement ou presque par des structures IGPN et IGGN aux ordres de l’Etat. Les Gilets Jaunes ont subi également une grande violence institutionnelle comme les prolongations de gardes à vue et une pluie de comparutions immédiates. Le journalisme et la presse n’ont pas été non plus épargnés : arrestations arbitraires, casse de matériel, atteinte à la liberté d’informer. Nous ne pouvons accepter que ces violences policières nous fassent céder la rue ni qu’elles empêchent les actions alternatives qui recueillent de plus en plus l’adhésion parmi celles et ceux qui veulent agir contre le pouvoir.
La loi de sécurité globale légitime les violences policières et la répression antisyndicale et anti-citoyenne.
Face à ce déferlement répressif, Solidaires a cherché à travailler dans des cadres unitaires au travers de collectifs pour les libertés publiques qui n’ont pas toujours fonctionné correctement. Parallèlement, la voie judiciaire a donné des résultats et permis des constructions collectives. Ainsi des recours ont été intentés pour recouvrer au printemps 2020 une vraie liberté de manifester. Par deux fois le Conseil d’État a rétabli ce droit déclaratif. Avec le Syndicat des Avocats de France (SAF) et le Syndicat de la Magistrature (SM), une contestation du schéma du maintien de l’ordre est en cours.
Une réflexion globale doit être menée sur nos modes d’actions et sur les recours juridiques possibles qu’il faudra encore développer en partageant les pratiques. Il faut aussi s’appuyer sur les collectifs locaux ou nationaux contre les violences policières. Les mobilisations contre les violences policières racistes au printemps et à l’été 2020, parties des Etats-Unis, ont d’ailleurs relancé ce sujet important et permis de rendre visible ces luttes.
Il s’agit d’abord d’apprendre concrètement à gérer des situations pour faire front, se protéger et protéger les camarades. Des formations sont prévues et/ou en construction sur le maintien de l’ordre, l’utilisation d’équipes de recours (legal-teams), les libertés publiques (garde à vue, manifestation), le droit de la presse. Une réflexion est nécessaire sur la manière de pouvoir se sentir en sécurité en manif, et pour avoir des pratiques mieux partagées que ce soit au niveau de la protection, de l’animation, ou de la coordination des cortèges.
Enfin du matériel est déjà à disposition comme la fiche Solidaires sur les gardes à vues, Guide de défense du journaliste du SNJ, Guide du manifestant arrêté du SM. Le Secrétariat National avec des camarades spécialisés sur ces sujets, peuvent coordonner, donner des contacts utiles et sont disponibles pour le soutien et l’aide, notamment en cas de poursuites judiciaires.
La discrimination syndicale et la répression anti-syndicale sont aussi particulièrement préoccupantes et participent directement à la mise à mal de la liberté syndicale. Bien marquée après le conflit sur la loi Travail, elle aura vu des militant-es poursuivi-e-s devant la Justice, condamné-es et licencié-es, notamment suite à des actions syndicales « coup de poing » ou pour avoir simplement fait grève. La pandémie COVID 19 a son lot de répression de lanceurs-euses d’alerte qui dénoncent les manque de moyens, de matériel et la mise en danger des salarié-e-s et usager-e-s. Des licenciements de syndicalistes ont pu être autorisés par la Ministre du Travail contre l’avis de l’inspection ! Par ailleurs, de plus en plus de militant-es sont bridé-es dans leur « exercice » et action syndicale au quotidien.
Nous dénonçons l’autorisation récente, validée par le conseil d’état, d’un fichage des opinions politiques, syndicales et religieuses des individus.
Toutes ces dérives risquent d’être exacerbées par l’adoption du projet de loi de sécurité globale.
Au-delà des rassemblements de soutien et de la dénonciation systématique, la riposte doit encore s’améliorer : remontée des cas pour une centralisation, formations et outils militants sur ces situations... Le soutien financier et matériel lors des procédures judiciaires est aussi un élément clef sans omettre la construction du rapport de force contre les employeurs.
Le Défenseur des droits a fait état dans son rapport 2019 de l’importance des discriminations syndicales et de leur impact sur l’engagement militant voire simplement l’adhésion : Solidaires s’impliquera dans la relance d’un travail concret de l’observatoire syndical de la répression.
Violences policières, répression antisyndicale, ce n’est évidemment pas un hasard si ces deux phénomènes se développent de façon parallèle. Quand on a plus rien d’autre à offrir que la précarité, le chômage, la dégradation des conditions de vie et de travail au plus grand nombre, on sort la matraque et les conseils de discipline contre celles et ceux qui entendent résister. C’est là aussi un phénomène international, qui touche nombre de pays dits « démocratiques », dont l’aspect autoritaire s’affermit en même temps que la régression sociale s’approfondit. Pour paraphraser Pierre Bourdieu, « la main droite de l’Etat » se fait plus pesante, quand sa « main gauche » reste dans sa poche.
Les différentes lois qui se sont succédées à ce sujet depuis 2007 n’ont fait que permettre plus de surveillance généralisée et moins de contrôle sur ces opérations. Il nous faut réfléchir et développer des solutions pour contourner les systèmes de surveillance, notamment par le cryptage des communications et la sécurisation de nos outils informatiques.
2.4. Quelle unité syndicale ?
L’unité d’action syndicale est recherchée par Solidaires que ce soit au niveau local ou national, en ce qu’elle peut unifier et augmenter le rapport de force, sans en faire une fin en soi.
L’unité syndicale est souvent à géométrie variable, elle n’est évidemment pas la même suivant les secteurs, suivant que l’on se situe à l’échelon local ou national, suivant que l’on se trouve dans le cadre de luttes interprofessionnelles ou sectorielles. Ainsi on peut voir, lors de luttes interprofessionnelles, des unités syndicales locales plus larges que celles existant au niveau national.
Dans les secteurs professionnels, des unités se font aussi très différemment.
Il faut prendre en compte les réalités du terrain et des luttes qui peuvent être bien différentes du schéma national avec des équipes syndicales qui ne sont pas toujours le reflet de ce qui se passe au niveau national. Par ailleurs dans certains domaines comme pour la lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes, les clivages habituels peuvent être dépassés. Les recherches d’unités syndicale aux différentes échelles peuvent être complémentaires. Les stratégies locales se construisent souvent sur la base des unités syndicales nationales, mais les dynamiques particulières qui permettent d’aller plus loin à certains endroits peuvent en retour servir de point d’appui au niveau national pour tenter d’élargir les cadres unitaires.
Sans faire un bilan exhaustif de l’unité syndicale au niveau national, on peut dire que l’axe inédit qui a rassemblé CGT ,FO, FSU, Solidaires, les organisations de jeunesse, parfois la CFE-CGE (sur des textes communs pour cette dernière) durant la mobilisation sur les retraites, a pu peser et Solidaires y jouer un rôle de dynamisation du mouvement. Après le premier confinement, FO s’est nettement repliée et n’a pas participé aux expressions communes qui s’en sont suivies, d’autant que l’unité entre CGT, FSU et Solidaires s’est aussi matérialisée dans le cadre du collectif « Plus jamais ça ». Pour autant, nous souhaitons que le retour de conflits axés sur l’emploi, les licenciements, ou la protection sociale voient le cadre d’unité syndicale reprendre un périmètre large.
Là encore, il faut garder en tête qu’il ne s’agit pas de faire de l’unité syndicale, même nationale, une fin en soi, mais bien qu’elle puisse constituer un outil au service de luttes qui ont pour objectif de rassembler le plus largement possible et donc d’être efficaces et gagnantes.
(Les évolutions du paysage syndical ont évidemment un impact aussi sur les périmètres des inter-syndicales nationales. La CGT a depuis la Loi Travail renoncé à créer un axe fort avec la CFDT et se tourne plutôt vers FO en plus des liens habituels qu’elle entretient avec la FSU et Solidaires. La FSU semble aussi plus encline à élargir ses alliances au-delà du champ professionnel.
Exemple de la limite portée à l’unité syndicale : Solidaires a été le seul syndicat refusant de signer un texte début décembre 2018 qui mettait dos à dos et condamnait autant les violences policières lors du début du mouvement des Gilets Jaunes, que les « violences » venant des manifestants. Cette position, alors que le pouvoir cherchait à ce moment-là une alliance bien opportune pour contrer le mouvement, est tout à l’honneur de notre syndicat et illustre que l’unité ne peut se faire à tout prix, et dans n’importe quelle circonstance.
La division syndicale nationale avec d’un côté des syndicats dits « réformistes » ou d’accompagnement et de l’autre les syndicats de lutte peut évoluer selon les luttes en cours, même si le jeu de la CFDT de retirer les marrons du feu en se plaçant interlocuteur et négociateur privilégié du pouvoir est souvent une constante. L’unité entre la CGT, FO, Solidaires, la FSU et les organisations de jeunesse s’est réinstaurée lors du début du conflit sur les retraites, et un travail commun (sauf avec FO et la CFE-CGC) sur les questions climatiques avait déjà été enclenché à l’occasion des mobilisations climat.
Le bousculement des organisations syndicales par les nouvelles formes de luttes qui s’organisent sans elles, ou dans des collectifs plus larges (parfois sectoriels), fait aussi bouger les lignes, même si Solidaires a toujours eu la spécificité par rapport aux autres syndicats de s’ouvrir à d’autres partenaires du mouvement social marquant souvent dès lors temps d’avance. Les résultats électoraux des organisations affichant un réformisme et une conception restrictive de la sphère professionnelle questionnent aussi. Comment porter notre syndicalisme de transformation sociale et augmenter son accessibilité en lien avec la nécessité de notre développement pour le diffuser ? Ces points devront être repris dans la commission syndicalisation.
Comme nous le faisons depuis des années, notre stratégie de lutte doit s’articuler autour de l’impulsion de mobilisations syndicales dans l’unité mais également autour des mobilisations avec le mouvement social. Le plan de rupture cosigné par des associations citoyennes et des organisations syndicales en est l’illustration mais c’est le cas également de mobilisations pour l’environnement et plus récemment le soutien aux gilets jaunes, la lutte contre les violences policières, pour la défense et le soutien des premiers de corvées, les défilés des sans culottes le 14 juillet. Nous devons poursuivre inlassablement le travail de conviction de nos partenaires syndicaux sur la nécessité d’unir toutes les forces et les luttes émancipatrices qui s’opposent au capitalisme et à la marchandisation de nos vies.
L’unité syndicale est un pan de la démarche de notre Union syndicale Solidaires. Celle-ci se complète avec les ponts faits avec les collectifs des quartiers populaires, des migrant-es, écologiques, féministes, anti-fascistes, anti-racistes, et de toutes celles et ceux qui portent la transformation sociale en adéquation avec nos valeurs.
2.5. Comment faire vivre un syndicalisme interprofessionnel s’articulant avec les luttes sectorielles ?
Faire vivre un syndicalisme interprofessionnel, c’est aussi se placer du côté du débat d’idées, mettre en avant un projet de société alternatif, pointer ce qui dans la logique capitaliste crée des inégalités, des conditions de travail délétères. Et montrer comment chaque lutte sectorielle, locale ou nationale s’inscrit dans ce combat.
Pour cela, la mise en évidence des conséquences pour les travailleuses et travailleurs concerné-e-spar la lutte doit s’articuler avec les conséquences pour l’ensemble de la société.
Il est nécessaire de pointer les intérêts communs, en se replaçant dans un contexte global.
Par exemple, les luttes pour des services publics qui répondent réellement aux besoins de la population, même si elles ne sont pas les seules concernées, sont à ce titre emblématiques. Les conditions de travail des agent-e-s ont un impact immédiat sur la qualité d’accueil des usager-es. Les mobilisations dans la santé lors de la crise sanitaire COVID en sont un bon exemple.
Mettre en avant le lien avec les usager-es dans un système global, c’est aussi faire le lien avec d’autres luttes, dans d’autres secteurs et notamment dans les secteurs où ces usager-es sont employé-es.
Le rôle des Solidaires départementaux est ici essentiel. Ils sont à même de produire les analyses nécessaires liant les problématiques locales et sectorielles aux questions interprofessionnelles. Ils peuvent proposer des espaces communs d’échanges, des calendriers d’action croisant les différentes problématiques, impulser des actions ponctuelles, notamment dans des secteurs où Solidaires ou ses organisations sont peu ou pas représentées.
En créant des liens entre les différents secteurs, les Solidaires départementaux peuvent permettre l’implication, même ponctuelle, des adhérent-es des différentes structures dans les luttes d’autres secteurs.
Ils permettent d’identifier dans les luttes diverses ce qui est commun et rendre visibles les luttes victorieuses ici, et donc gagnables ailleurs.
Ils peuvent proposer à tous et toutes de s’y impliquer, en en partageant les enjeux et les actions. La lutte pour la défense des retraites a rappelé une fois de plus la nécessité d’un syndicalisme interprofessionnel pour gagner, mais aussi démontrer le rôle incontournable des Solidaires locaux et permis dans de nombreux endroits des actions et des échanges plus forts entre syndicats de différents secteurs.
Le syndicalisme doit vivre aussi en dehors des lieux de travail. Les bourses du travail restent un outil indispensable à cette fin. Leur activité a toutefois beaucoup reculé. Elles doivent redevenir des lieux d’expérimentation et de socialisation alternative et Solidaires doit les utiliser pour proposer des lieux de débats, d’organisation sur des questions relevant de la vie courante (consommation, logement, ...), offrir un hébergement à l’éducation populaire...
3. Nos moyens de développement
3.1. Le combat de Solidaires
Il passe par un développement qui nécessite le renforcement de ses syndicats membres dans leur champ professionnel, la création de structures dans les champs et entreprises au sein desquels n’existe pas de structure de Solidaires et le renforcement des Solidaires locaux ainsi que de la participation à nos instances nationales. Pour cela nous avons des moyens de développement qu’il faut utiliser, favoriser sans cesse.
3.2. Place et développement des Solidaires locaux
Depuis plusieurs Congrès, l’Union syndicale Solidaires rappelle que son développement est fortement basé sur les Solidaires locaux. Néanmoins, si nous ne pouvons nier notre développement, ne serait-ce par l’augmentation de nos sections d’entreprise, force est de constater une stagnation dans le développement de nos Unions départementales.
Pourtant, les Solidaires départementaux (et locaux pour certains) sont des interlocuteurs de proximité, les salarié-es prennent aussi contact avec notre syndicalisme par les Solidaires locaux. Ces derniers ont un rôle décisif à jouer pour notre développement dans les secteurs et trop nombreuses entreprises dont nous sommes absents, en lien avec les fédérations et syndicats concerné-e-s. Les Solidaires départementaux sont aussi la base des formations interprofessionnelles, les relais des campagnes nationales, les structures qui nomment les défenseurs syndicaux, les conseiller-es du salarié-e, bref les structures qui donnent les armes aux syndicats pour la défense des salarié-es. Ils sont aussi l’accès à la représentativité de Solidaires dans les instances et la représentation de Solidaires dans les actions. Et au final, les salarié-es isolé-es, les précaires et chômeuses/eurs, autres enjeux essentiels de notre syndicalisme, ont comme contact principal les Solidaires locaux.
Pendant la période COVID 19 la mise en place du numéro vert a été une vraie réussite dans la mesure où des sollicitations ont pu être redirigées vers les Solidaires locaux.
Cependant, le recul de la participation de nos syndicats à la construction de notre Union interprofessionnelle est évident. Nombre de nos unions départementales ont des difficultés à exister. Même les plus « riches » en droits syndicaux et moyens humains ont des constats négatifs à faire sur l’implication des structures à leur fonctionnement. Beaucoup d’entre elles ne tiennent que par l’implication personnelle d’une poignée de militant-es.
Il est donc vital d’inciter les syndicats membres de Solidaires à participer d’avantage à la construction de notre outil interprofessionnel. Il en va de la pérennité des structures qui ont besoin de la solidarité pour se construire. Ce serait un échec que chacun se replie sur son secteur d’activité : nous ne ferions qu’additionner les difficultés plutôt que construire une victoire collective.
Dans ce cadre-là, nous proposons que soit mis en débat dans toutes les structures professionnelles nationales ou locales (fédérations, syndicats, ...) qui bénéficient de droits syndicaux d’en réserver au moins 1% pour l’activité des militant-es au sein des structures interprofessionnelles.
Au-delà, nous proposons que soit mis en débat le fait de dégager du temps et des moyens significatifs pour l’interprofessionnel, y compris de façon volontariste, tant dans les solidaires locaux (UL, UD...) que dans les syndicats professionnels sur le terrain, considérant que le niveau interprofessionnel n’existe qu’à partir des syndicats.
Nous nous donnons les moyens de mieux intégrer dans les équipes d’animation des Solidaires locaux des camarades du privé. En effet, la différence de droit syndical entre public et privé rend plus difficile le détachement de ceux-ci.
Ce Congrès réaffirme donc la nécessité que chacun de nos syndicats réponde bien aux appels de cotisations des unions départementales afin de leur assurer une vie correcte. L’information continuera d’être effectuée quant à la possibilité de recourir à la trésorerie nationale et aux coordinations régionales pour aider financièrement les unions départementales. Il est indispensable que chacun participe aux instances et à la construction collective du revendicatif local pour faire progresser notre syndicalisme. Il est donc primordial que chaque syndicat de Solidaires engage véritablement des moyens humains dans les mobilisations initiées par Solidaires, dans le fonctionnement interne des unions départementales, il n’y aura d’existence de chaque syndicat que dans une union syndicale forte.
3.3. Les questions de structuration, de champ de syndicalisation, des unions et branches avec les évolutions des instances de représentation
Il est de la responsabilité de Solidaires de faire en sorte à ce que tout-e travailleuse ou travailleur qui se reconnaît dans ses valeurs puisse adhérer à une organisation membre ou à un Solidaires local. Il est également de la responsabilité de notre union syndicale de faire en sorte de défendre au mieux les adhérent-es de ses structures. De ce point de vue, une structuration renforçant la capacité d’intervention envers chaque employeur ou donneur d’ordre est pertinente. L’évolution des règles sociales ou de l’économie amènent parfois un-e salarié-e à changer plusieurs fois d’employeur dans un temps restreint, sans même quitter son poste de travail, voire devenir son propre employeur. La précarité grandissante, faisant alterner des périodes de chômage ou des changements d’employeur, aggrave encore le tableau.
Ces éléments argumentent plutôt en faveur d’une structuration basée non sur l’employeur mais sur la communauté de travail, au sein de laquelle l’action syndicale se trouve ainsi renforcée. Certaines organisations de Solidaires ont fait le choix de ce mode de structuration en définissant leur champ syndical.
À tout cela viennent se rajouter maintenant les évolutions de périmètre des conventions collectives. Depuis 2008, chaque gouvernement essaye par la loi de réduire l’influence des syndicats ainsi que leur nombre. La casse est multiple entre la loi sur la représentativité, la fin des CE/DP/CHSCT, l’inversion des normes et la liquidation d’une partie importante du code du travail. Elle se poursuit aujourd’hui par la réduction du nombre de conventions collectives pour en conserver au final moins d’une centaine. Cela ne sera pas sans conséquence pour les salarié-es qui se retrouveront bien souvent avec des conventions vidées de leur sens et de leur capacité à protéger ou accompagner les salarié-es.
Les organisations syndicales devraient elles aussi être percutées, voire parfois purement et simplement exclues de certaines branches ou des financements qui en découlent. Quoi qu’il en soit, cela va multiplier les risques de conflits « de champs de syndicalisation » au sein des organisations syndicales et donc de Solidaires. Le risque est d’autant plus grand que le morcellement des entreprises entre les métiers « cœurs » et les autres poses de plus en plus de questions sur l’organisation du syndicalisme des salarié-es de la sous-traitance.
Les restructurations et les réorganisations nous impactent. Ce n’est pas la même chose quand seule une organisation de Solidaires intervient dans une Convention, ou quand il y en a plusieurs. Nous savons bien que cela peut parfois être source de fortes tensions, voire de crises.
Nous sommes attaché-es à notre histoire et à celle de nos organisations, chacune d’entre elles ayant ses spécificités. Mais nous ne devons pas avoir peur de débattre pour voir quelles évolutions sont possibles. Si quelques regroupements sont possibles (mais c’est aux organisations concernées d’en choisir le rythme et les formes) nous devons mieux explorer les pistes des Unions par grands secteurs d’activité. La commission syndicalisation et structuration fera un point sur ce qui existe.
Travailler ensemble, mettre en commun, ne veut pas dire renoncer à ce que chaque organisation est. Pourquoi ce qu’il est possible de faire au plan interprofessionnel avec Solidaires ne pourrait-il pas l’être au niveau des secteurs d’activité ? Devons-nous continuer à créer des organisations dans Solidaires en risquant de multiplier les structures sans moyen de fonctionnement ou de participation à la vie de notre union syndicale ? En même temps, il semble clair que le développement du syndicalisme d’entreprise, pour essentiel qu’il est, doit contribuer à la construction d’un syndicalisme interprofessionnel. Il nous faut donc réfléchir et commencer à nous organiser pour que chaque travailleur-euse trouve sa place dans Solidaires et puisse militer pour répondre aux besoins des salarié-es de son secteur tant géographique que professionnel. La commission syndicalisation et structuration fera un travail tout au long de la mandature pour faire un point sur ce qui existe ailleurs et ce qui pourrait être réalisé.
Nous devons trouver des pistes de travail pour mettre du lien rapidement entre nos adhérent-es d’un même secteur, d’un même métier, d’un même lieu géographique. Cela peut passer par exemple par :
- des bulletins communs,
- le développement d’union locale,
- le développement de réunions communes,
- un travail syndical de la section syndicale de l’entreprise ou de l’établissement donneur d’ordre vers les salarié-e-s de la sous-traitance et des pistes possibles pour organiser ces travailleurs/ses.
En ce qui concerne les évolutions de champs de syndicalisation, des aspects plus « procéduraux » doivent également être étudiés pour faciliter les relations entre organisations membres et permettre de maintenir le lien avec les adhérent-es: changement de syndicat, double syndicalisation et transferts de cotisations, suivi de syndicalisation lors des périodes de chômage, modifications des statuts syndicaux pour pouvoir syndiquer des travailleurs/ses qui ne sont plus officiellement salariée-s à un moment donné etc. Avant tout, dans un monde du travail changeant, la caractéristique première de toute structuration ambitieuse doit être la souplesse. Nous mettrons en place une cartographie des champs de syndicalisation afin de clarifier la situation et de faciliter le travail de chacun-e.
La commission des conflits ne doit intervenir qu’exceptionnellement. Les réflexions en amont, sur les champs de syndicalisation sont indispensables dans chaque structure qui modifie ses propres statuts, en lien avec l’Union, afin de ne pas créer des risques de chevauchement de champs de syndicalisation et de futurs conflits. Il faut veiller à ce que l’ensemble des champs de syndicalisation soit toujours couvert par Solidaires.
Notre faible implantation ne nous aide pas à peser tant dans le rapport de force global que dans les intersyndicales. Notre union syndicale, en reprenant le modèle de matériel mis à disposition pour la campagne TPE, proposera une campagne de développement, en s’appuyant sur nos valeurs et nos revendications. Dans le même élan, nous mettons des moyens, en particulier pour le matériel, pour les campagnes des élections CSE/CSA qui arrivent. Nous dégageons un budget qui sera dédié pour ces campagnes.
3.4. Fonctionnement interne, autogestion et pratiques
Nous soutenons les expériences auto-gestionnaires dans le monde du travail parce que porteuses d’émancipation, elles permettent notamment la prise en charge par les premier-ères concerné-es de ce qui les impacte.
Au sein de l’union syndicale, nous nous devons aussi d’améliorer nos fonctionnements en nous en inspirant. Nous pensons que l’autogestion passe aussi par la mise en œuvre au sein de lieux de militantisme, de nos valeurs de respect entre militant-es, de non-domination, d’égalité et de conscientisation de ces questions à tous les niveaux.
Ainsi le questionnement de nos modes de fonctionnement interne se pose en lien avec nos valeurs, et dans nos formes de communications et interactions entre militant-es, syndicats, fédération, Secrétariat National, ou au sein de nos instances.
Sans remettre en cause l’architecture de nos modes de fonctionnement démocratiques (consensus, instances représentatives et leurs rôles respectifs) qui relèvent des statuts, des questionnements sont apparus. L’objectif est d’avoir une parole respectée et facilitée au sein de nos instances nationales, particulièrement pour que l’on ne reproduise aucune forme de domination.
Ceci suppose d’examiner le fonctionnement interne de nos instances, afin qu’elles ne deviennent pas des réunions composées de « professionnel-les » du syndicat.
Cela suppose d’avoir des outils pour préserver la transmission des contenus « politiques » de ce qu’est Solidaires (positionnements revendicatifs, modes de fonctionnement), et de créer les conditions favorables à la participation des femmes, des jeunes militant-es... L’articulation entre BN et CN est par exemple aussi à questionner.
Il faut favoriser des cadres d’échanges complémentaires attractifs pour les militant-es (journées stratégies, des Solidaires locaux, les formations préparation du 8 mars, amiante...) Les méthodes de l’éducation populaire pourraient irriguer plus largement nos formations, journées dédiées etc. Un groupe de travail pourrait y travailler.
Pour développer la connaissance interprofessionnelle et renforcer le socle commun de l’union nous organiserons des stages de formation sur plusieurs jours sur le modèle des stages « les rencontres interprofessionnelles Solidaires » d’il y a quelques années.
Les difficultés qui peuvent exister lors de conflits internes, les tensions que cela peut générer, la mise en œuvre dans ce cas de pratiques qui sont contraires à nos valeurs posent aussi des questions importantes, qui nécessitent de trouver des solutions pour à la fois respecter nos principes et réussir à résoudre positivement ces conflits.
3.5. Place des chômeuses, chômeurs et précaires, dans notre syndicalisme
Le syndicalisme se construisant autour de la communauté de travail, l’accompagnement des collègues sans emploi ou amené-es à changer souvent d’employeur est toujours difficile. Il est indispensable de mettre en place les outils permettant de soutenir et maintenir dans l’action syndicale ces camarades, qui peuvent apporter un éclairage particulièrement pertinent dans une société de plus en plus soumise à la précarité. Il n’existe pas en la matière de solution-miracle, et la structuration de Solidaires et de ses organisations doit pouvoir offrir tout un ensemble de réponses pour s’adapter à chaque cas.
Dans un contexte de massification de la précarité touchant le monde du travail dans son ensemble et ainsi de sa centralité affirmée par Solidaires dans notre activité syndicale, la transformation en commission nationale pérenne du groupe de travail consacré au chômage et à la précarité est un premier élément.
En ce qui concerne l’adhésion :
- il serait profitable que les organisations de Solidaires puissent offrir des solutions d’adhésion permettant aux camarades amené-es à quitter la communauté de travail de conserver leur adhésion, avec un montant de cotisation adapté à l’évolution de leurs revenus.
Des structures « chômeur·euses et précaires » dans les Solidaires départementaux permettent de mettre en contact ces camarades pour développer un revendicatif spécifique sur la base de leur expérience de terrain.
Il faudrait pouvoir organiser avec toutes les structures de Solidaires des possibilités de double adhésion (milieu professionnel d’une part, chômeur·euses et précaires de l’autre).
Plusieurs Solidaires départementaux ont intégré des syndicats Solidaires de « chômeurs-ses et précaires » dont les membres peuvent être parfois également adhérent-e de syndicats professionnels. Ces mêmes syndicats professionnels participent parfois directement au fonctionnement et à l’action de ces structures de « chômeurs-ses et précaires ». Ce sont des pistes intéressantes qu’il faut tenter de développer.
Une autre solution existe : créer un collectif interne aux unions départementales ou locales qui mettent en liaison les demandeurs d’emplois et précaires en leur permettant de s’organiser dans l’élaboration de leurs revendications et de leurs luttes, en lien avec l’interprofessionnelle.
Il faudrait pouvoir organiser des « transferts d’adhésion » d’une organisation à l’autre, pour faciliter la continuité de l’action militante de ces camarades
De plus, les organisations de Solidaires pourraient s’organiser (recensement/annuaire des sections par exemple) pour mettre en contact leurs ancien-e-s adhérent-e-s avec les structures pertinentes vis-à-vis de leurs nouvelles situations.
Tout comme les cahiers de revendications de Solidaires, les revendicatifs des organisations professionnelles devraient pouvoir intégrer les travaux des structures « chômeur-euses et précaires ». Toutefois, la prise en compte de la précarité dans les collectifs de travail ne saurait se résumer à ça. Dans certains secteurs, en particulier dans certains services publics, des collègues restent précaires pendant de longues années, parfois sur les mêmes postes.
Comment expliquer au mieux les pièges liés aux fausses réponses que sont les contrats de mission (ou de chantier, de projets...) véritables machines de précarisation « à vie »et même dans la fonction publique le CDI par rapport au statut de fonctionnaire ? Au-delà de la simple adhésion, c’est donc bien à des modes d’intégration dans les instances et groupes de travail internes de ces camarades que les organisations de Solidaires devraient réfléchir pour mieux prendre en compte la dimension précarité. Ceci implique d’élaborer des revendicatifs propres pour lutter à la fois contre la précarité et pour les droits des précaires et de faire de cette action syndicale un axe important d’activité. Enfin, cela nécessite de mener de véritables campagnes communes au sein de Solidaires sur ces sujets afin d’appuyer les luttes existantes et d’en mener d’autres, en travaillant lorsque c’est possible avec des associations et collectifs de précaires et/ou de chômeurs-ses qui partagent nos positions.
3.6. Place des femmes dans notre Union syndicale
Le travail sur le plan d’action contre les violences faites aux femmes en interne de Solidaires a accaparé les militantes de la commission femmes. Ce travail a participé d’un début de prise de conscience même si les résistances internes restent nombreuses. Ce travail militant de refuser tout sexisme ou toute violence à quelque niveau que ce soit dans Solidaires a évidemment un lien particulier avec la question de la place des femmes : celles-ci quittent le syndicat, voire le militantisme lorsque leur parole, leur opinion ne trouve pas de place, lorsqu’elles sont victimes de violences sexistes ou sexuelles : raillées, ridiculisées par un humour supposé, victimes de harcèlement, d’agressions, de viols.
C’est un véritable enjeu pour Solidaires de trouver des modalités concrètes pour répondre à de telles situations.
Ce travail doit être poursuivi et amplifié au-delà des commissions femmes dans chaque organisation de Solidaires, et être investi avec la dimension du développement que peut représenter cet enjeu dans le syndicat. Elle renvoie, au-delà de la question de l’absence de sexisme ou violences sexistes aux éléments favorisant l’investissement des femmes déjà développés lors de la résolution femmes de 2014 (prise en charge des gardes, horaires de réunions, durée des mandats, rotation...). Un bilan de ce point de vue serait utile. Les freins à la participation des femmes au syndicat doivent être identifiés (disponibilité horaire, sentiment de légitimité...) pour que des actions soient ensuite mise en place pour les lever.
Le travail sur le rapport de situation comparée n’a pu être relancé, notamment en raison de l’accaparement sur les situations de violence. Cette tâche doit pourtant être à nouveau prioritaire eu égard aux constats indispensables sur la féminisation de nos structures
3.7. Place des retraité-es dans notre organisation
La place des retraité-es dans l’activité de Solidaires est importante. L’atta-chement des retraité-es à un syndicalisme interprofessionnel les amènent régulièrement à répondre présent-e-s dans les mobilisations et combats « transversaux ». Leur présence et leur investissement militant au sein des solidaires locaux, dans les commissions nationales de Solidaires sont reconnus de toutes et tous, tandis que la pyramide des âges fait que leur nombre va croissant. Depuis 2002, l’Union Nationale Interprofessionnelle des retraité-es de Solidaires (UNIRS) est chargée d’organiser les retraité-es, de les représenter auprès des différents organismes officiels, d’assurer leur défense (pension, droits sociaux, santé et place dans la société). L’UNIRS s’est aussi donné pour objectif de faire en sorte qu’au sein de Solidaires l’action syndicale ne s’arrête pas avec le départ en retraite. Les recettes de l’UNIRS reposent sur une subvention annuelle de Solidaires et sur une cotisation symbolique des structures, un forfait de 20 à 100 € selon le nombre d’adhérent-es retraité-es desdites structures nationales ou locales. L’UNIRS compte désormais 7000 adhérent-es. [et la question de donner à l’UNIRS un droit de vote au sein de Solidaires a été posée lors de son AG afin de donner « une voix » aux retraité-es dans les instances nationales de Solidaires au même titre qu’une organisation nationale, ou qu’un Solidaires départemental. Ceci suppose une modification statutaire dont il faut débattre avant le prochain congrès.]
Des expérimentations seront possibles et décidées en Bureau national. En cas d’expérimentation, un Groupe de travail dédié en lien avec la Trésorerie Nationale, la commission syndicalisation et le GT statuts sera initié dès son début et travaillera sur les aspects d’articulation démocratique. Un bilan en sera effectué, avec un retour attendu du GT dédié au moins 6 mois avant le prochain Congrès.
Par ailleurs, les besoins de fonctionnement de l’UNIRS (déplacements pour assister aux instances internes de l’UNIRS) nécessiteraient un financement adapté.
3.8. Les formations
Lors des derniers congrès, la mise en commun des moyens financiers en faveur des Solidaires départementaux a été développée afin de répondre au plus près aux besoins de l’ensemble de nos adhérent-es. Ils organisent et mettent en place les formations interprofessionnelles qui renforcent notre identité commune, le lien entre les différentes organisations et individus tout en la faisant évoluer à travers le partage des savoirs et des expériences.
Aussi, même si nos différentes structures professionnelles sont amenées parfois à développer des formations spécifiques à leur secteur, nous faisons plus que jamais le choix de privilégier comme outil principal la formation interprofessionnelle. Encore une fois c’est notamment à travers ce type de formation que nous développerons concrètement la connaissance de la société et la compréhension de notre syndicalisme qui ne se limite pas aux portes de nos entreprises et administrations.
Plusieurs axes de travail doivent être particulièrement renforcés
- Aux côtés des formations liées aux instances représentatives du personnel, le Cefi doit poursuivre la diversification des types de formations proposées. Répondre aux besoins immédiats des équipes et syndicats est une préoccupation de notre politique de formation et nous devons dans cette optique améliorer la prise en charge de l’ensemble des domaines liés à la négociation. Mais au vu de notre syndicalisme de transformation sociale, les formations basées sur l’appropriation de nos valeurs et revendications sont également un axe majeur. Celles-ci doivent être développées afin d’outiller au mieux nos militant-es, renforcer la crédibilité et la maîtrise de notre syndicalisme et ainsi lui donner davantage corps.
Ainsi, il apparaît nécessaire, par exemple, de créer des modules de formation à destination des équipes syndicales afin de comprendre et d’utiliser au mieux les rapports annuels obligatoires (Bilan social et Rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes).
- La formation syndicale doit permettre l’appropriation de connaissances, de valeurs et de pratiques dans une démarche, entre autres, d’éducation populaire, souvent demandée par les participant-es aux formations. L’utilisation des méthodes actives et collaboratives liées notamment à l’éducation populaire ainsi que la réflexion collective sur les pratiques syndicales doivent faire partie des outils de nos formateurs-trices, et être mieux intégrées aux formations de formateur-trices. Avec la crise pandémique, des formations en « distanciel » ont été mises en œuvre au niveau national, puis dans quelques Solidaires locaux et syndicats. Elles visaient avant tout à construire une réponse syndicale adaptée et combattre l’isolement des équipes face à leur employeur. Ces « visios » ne sauraient cependant remplacer les formations en présentiel s’agissant notamment de la transmission des pratiques collectives. Mais on peut consolider leur usage pour ce qui est du suivi des stagiaires, assurer les urgences d’une formation d’instance ou encore présenter des thématiques d’actualité. Il faut alors repenser les méthodes et outils d’animation, ainsi que les moyens techniques à mettre en œuvre.
Dans cet esprit, les formations qui utilisent l’informatique doivent tendre à utiliser des logiciels libres, qui sont les seuls permettant l’autonomie et le partage.
- Afin de répondre à tous ces besoins, et notamment que nos formations répondent aux enjeux et évolutions actuels, le Solidaires a un besoin essentiel tant au niveau national (bureau du CEFI, commission formation, groupes de travail de construction des formations) que local (commissions formation locale, viviers de formateur-trices...), d’une participation plus importante des structures à l’élaboration de la politique de formation, notamment de celles les plus à même de partager des moyens humains. Cette participation doit refléter notre diversité et permettre une représentation genrée équilibrée.
Parallèlement, il faut renforcer les équipes de formations tant d’un point de vue de la construction du contenu que de celui du nombre des formateur-trices. De plus, il est clair que pour que ces formations soient riches et donc utiles aux équipes, une diversité réelle de participation est un facteur essentiel. Notre projet syndical ne vivra que par cette construction collective.
Avec le développement, la formation doit être un enjeu majeur des années qui arrivent afin d’affronter la déferlante de politiques capitalistes et accompagner au mieux la riposte qui naît un peu partout. Le développement de notre syndicalisme et l’appropriation de son projet politique passent nécessairement par leur articulation avec la formation.
3.9. Moyens humains de Solidaires dont le salariat, la mise à disposition
Le développement de Solidaires, au plan local comme national, passe bien sûr par les moyens humains.
Si de nombreux Solidaires locaux sont animés par des retraité-es, nous redisons que cela ne peut remplacer la mise à disposition de « temps militant » de camarades en activité par les organisations.
Dans un contexte de baisse des moyens syndicaux, la tentation est grande de « garder les moyens militants » pour le champ professionnel... voire de retirer des moyens à l’interprofessionnel. Cela peut avoir localement des conséquences terribles pour les Solidaires locaux, qui ne reposent plus que sur quelques individus, sans beaucoup de liens avec les organisations locales, et dans l’incapacité d’impulser des dynamiques interprofessionnelles. Pourtant, congrès après congrès, nous répétons que la construction de notre outil interprofessionnel est une nécessité absolue.
Au plan national, Solidaires est principalement animée par des militant-es détaché-es sur du droit syndical. Mais ces dernières années, pour Solidaires comme pour certaines de ses organisations (Sud Commerces et services, Sud Industrie, Asso, SUD Protection sociale), mais aussi par exemple pour la campagne des élections TPE, nous avons décidé de salarier des militant-es dépourvu-es de droit syndical afin de participer pleinement à la construction de notre syndicalisme.
Ces choix peuvent se reproduire dans la mesure où les droits syndicaux diminuent de toute part, et cela questionne aussi sur l’équilibre à trouver entre respect de nos valeurs et des camarades embauché-es et recherche d’une dynamique de développement qui ne peut reposer que sur les seul-es salarié-es. Cela questionne aussi sur le financement pérenne que cela suppose.
Cela se faisait déjà dans quelques organisations, avec des pratiques propres à chacune. Au niveau de notre union, si cela a été fait, comme beaucoup de choses, de façon « empirique », notre dernier congrès avait décidé que les questions liées au « salariat dans Solidaires » devaient être creusées... ce qui n’a été que partiellement le cas, comme en témoigne le retard pris dans la rédaction d’une charte telle que décidée il y a 4 ans. Trop souvent, ces questions ont été laissées à la seule responsabilité du Secrétariat national, alors que cela nous concerne toutes et tous. Bien sûr, dans la période, d’autres questions ont été jugées plus prioritaires... mais nous ne pouvons-nous en satisfaire. Celle-ci sera finalisée dans les meilleurs délais.
L’Union syndicale Solidaires se doit de conformer ses propres pratiques aux valeurs qu’elle prône : Solidaires doit apporter une réponse efficace aux salarié-es qui la sollicitent.
Si pour les salarié-es embauché-es pour des tâches « techniques » les choses peuvent apparaître comme relativement simples, pour les camarades salarié-es dans le cadre d’un mandat d’animation, d’autres questions se posent, notamment sur la « fin de mandat », encore plus lorsque celle-ci survient plus tôt que prévue et/ou dans le cadre d’un désaccord politique.
Nous avons pu aussi voir que de nombreuses questions posées « autour des salariées de Solidaires » se posaient, parfois dans des termes très proches, aussi pour les camarades « détaché-es sur du droit syndical » (quel retour au travail en fin de mandat, quelle formation, etc... ) mais aussi sur des éléments trop rarement abordés dans le monde syndical (« durée de travail », « surcharge », « droit à la déconnexion », place et rôle du permanentat, conflit au travail, etc) qu’il serait sans doute utile d’aborder si on ne veut pas se contenter de reproduire des « modèles » que nous combattons.
C’est sur l’ensemble de ces questions liées au salariat dans Solidaires que nous devons avancer collectivement.
3.10. Nos locaux
Le déménagement en décembre 2018 dans les locaux de la Grange aux Belles, s’il a suscité des débats, a aussi permis de franchir une nouvelle étape pour Solidaires.
Son utilisation montre son utilité : en 2019, ce sont, y compris les week-ends, 160 formations, 300 réunions de structures y résidant et 200 réunions de structures membres de Solidaires mais n’y résidant pas. Ce sont aussi une centaine de permanences (sans papiers et juridiques) et autant de soirées de débats thématiques, de réunions unitaires ou du mouvement social qui s’y sont tenus.
Solidaires appuiera l’ensemble des Solidaires départementaux pour obtenir des locaux à la hauteur de leurs besoins.