Retour sur le Camp Climat - du 9 au 11 septembre à Venise

Prise de parole de Solidaires au Camp Climat 2022

Nous remercions ADL Cobas de nous avoir invité.es à cet évènement d’importance qu’est le camp climat ! D’importance, car international. Si notre Union syndicale Solidaires est présente ici, si nous essayons toujours de soutenir et renforcer le RSISL, c’est que nous avons tous et toutes conscience que le combat contre le capitalisme ne peut et ne doit pas être mené indépendamment au sein de chaque pays.

Les économies des pays les plus riches sont étroitement imbriquées, comme le sont les politiques gouvernementales pour exploiter les peuples et les biens communs en s’organisant au niveau international. Nous devons travailler dans l’urgence à des mobilisations pour défendre à l’échelle internationale les besoins essentiels, si malmenés par le capitalisme qui ne cesse de chercher dans les moindres recoins de la planète ce qui peut être marchandisable, y compris notre santé, la nature et la biodiversité, l’accès à l’eau, à la terre et aux ressources naturelles et leur partage, en les pillant la plupart du temps, notamment via des dictatures et des échanges économiques inégaux qui ont succédé aux colonisations…Cette lutte internationale pour le partage des terres, de l’eau, nous la retrouvons aussi bien en Amérique du Sud, qu’en France et en Europe ou en encore en Palestine et au Kurdistan.

En 1979, déjà, Haroun Tazieff, célèbre vulcanologue, avait voulu sensibiliser l’opinion sur le réchauffement climatique. Il y a 30 ans, tout le monde savait ! Qu’est-ce qui a été fait ? Que s’est-il passé depuis ? Les dirigeants des pays les plus riches, inféodés aux intérêts économiques, ont fait fermer les yeux et taire les voix dissidentes, tout en continuant à piller les ressources, à aggraver les conditions de vie des populations notamment du SUD, stériliser et assécher les terres, tout en faisant croire qu’ils maîtrisaient la solution avec des mesurettes ridicules.

Nous saluons la prise de conscience actuelle qui pourrait, dans le meilleur des cas, limiter une partie des dégâts, mais ne nous rangeons pas derrière celles et ceux qui voudraient saisir l’occasion pour continuer à faire des profits juteux, et qui n’envisagent pas d’autres alternatives, ou qui profitent de l’aubaine pour attaquer les acquis sociaux, sans toucher aux profits des grandes entreprises. Le capitalisme ne cesse de vouloir s’étendre, de par sa nature économique. Nous savons qu’il ne peut faire autrement pour maintenir ses taux de profit et son existence même. Le capitalisme, même s’il se drape de drapeau vert, n’y renoncera pas !

La situation sanitaire du pays a démontré de façon éclatante que les gouvernements en place n’hésitent pas à sacrifier la santé des populations. La casse des systèmes de soins solidaires un peu partout en Europe et au-delà, la fermeture d’hôpitaux, mais aussi l’épidémie COVID sont là pour en témoigner. L’Union européenne et ses dirigeants préfèrent sacrifier des vies que d’accepter de lever les brevets sur les vaccins et futurs traitements qui pourraient sauver des dizaines de milliers de vies, comme le demandent des pays comme l’Inde ou l’Afrique du SUD. Ils sont les chiens de garde des laboratoires pharmaceutiques et de leurs actionnaires. Comment pourrait-on leur faire confiance pour le climat ?

Nous ne devons pas faire confiance aux sirènes qui nous promettent de lutter contre la dégradation de la planète par des mesurettes qui préservent le système économique en place, et nous aussi, résister toutes et tous ensemble, au-delà des frontières, pour empêcher les marchés financiers de marchandiser les besoins essentiels humains, (se loger, se nourrir, se soigner, s’éduquer, vivre dans un environnement sain…) pour n’en permettre l’accès qu’à ceux et celles qui en ont les moyens. Le paradoxe est que les pays du Nord , qui ont asséché les terres du SUD, aggravé les conditions d’existence de leurs populations, veulent empêcher les migrations de celles et ceux qui de fait, ont permis l’accumulation des richesses sur la partie de la planète la plus vivable. Notre combat pour les besoins essentiels doit également rejoindre le combat de soutien aux personnes en situation de migration.

Il reste, selon les pays, des services publics, des systèmes de protection sociale, des modes d’agriculture, des dispositifs proches des populations ou gérés par une partie d’entre elles, qui ne sont pas encore marchandises, ou pas totalement, et qui participent à nos droits fondamentaux, à l’accès à notre santé, à la préservation de la vie, humaine et animale, et à nos besoins essentiels. Mais, quel que soit notre pays, quels que soient les systèmes en place, nous sommes en face des mêmes difficultés et de la même voracité. Cela peut représenter une force considérable. La défense des biens communs doit nous unir et fédérer nos mobilisations pour les préserver et reconquérir ce qui nous a été volé. Le système capitaliste va désormais plus loin que nous déposséder de ce que nous produisons. Il menace aujourd’hui l’existence même de l’Humanité. Il nous faut travailler dans l’urgence à des objectifs, des mots d’ordre qui puissent résonner au-delà des frontières.

Compte-rendu

Venise, 07 au 11 septembre 2022

Nous répondons à l’invitation des camarades d’ADL Cobas à la troisième édition du Camp Climat de Venise. Trois membres de Solidaires se portent volontaires pour participer à ce moment internationaliste et interprofessionnel important. Au programme de nombreuses rencontres, des ateliers, des conférences, mais aussi des échanges d’expériences et de pratiques de luttes et d’ actions.

L’accueil est incroyable.

Après une visite rapide de la ville, nous rencontrons une foule d’autres membres d’ADL Cobas, de plusieurs centres sociaux et squats de la ville, des camarades allemand.es, italien.nes de Friday For Future, de collectifs autonomes, antifascistes et même de Marseille issue de la lutte « Stop Croisières » qui n’est pas sans rappeler la lutte « No Grandi Navi » de nos camarades vénitiens dont ils s’inspirent

Le jeudi 8 septembre au matin, les camarades du camp climat nous mettent directement dans le bain ou plutôt dans la lagune ! Une action navale est prévue sur l’immense centrale à charbon de Fusina (Venise). Il nous est demandé si nous voulons en être ? Mais comment louper ça !

Nous partons à 11h. Après une heure trente de bateau environ, nous voici arrivé.es aux abords de l’usine. Nous sommes déjà bien suivi.es par les forces de police (police locale et nationale, financière et gardes-côtes).

Près de l’usine le bal commence, nos dix bateaux menés d’une main habile par nos pilotes désorganisent complètement le barrage de la police. C’est notre première joute navale. Si vous n’avez jamais vu de policier sur un jet-ski, cela vaut le coup d’œil. Iels s’en servent pour faire des vagues et nous arroser copieusement pendant que leurs bateaux nous « chargent », tentant de nous faire reculer. Rien n’y fait, iels ne sont pas assez nombreux.ses, finissent aussi trempé.es que nous (nous avons des fusils à eau) et certain.es d’entre nous arrivent à prendre pied dans l’usine et gravissent les montagnes de charbon.

Les banderoles se déroulent : « No Coal », les slogans fusent : « We are unstoppable », « What solution ? Revolution ! ».

Après un temps d’occupation et une pause déjeuner sous bonne garde, nous quittons l’usine et rentrons au port sous bonne escorte. Iels tentent par deux fois d’intercepter l’un de nos bateaux sans succès.

Ici comme ailleurs, la police est au service d’un état capitaliste et défend des intérêts contraires à la défense de l’environnement et de la biodiversité aux dépens de la reconversion écologique, du climat comme de la santé et des conditions de travail des travailleur.ses !

Le soir c’est le temps du débat où Solidaires doit intervenir. Nous évoquons les luttes, les liens et ponts à construire ou à consolider avec ADL Cobas et GKN Factory Collective pour affronter la crise écologique causée par le capitalisme. Les camarades polonais de OZZ Inicjatywa Pracownicza ne peuvent malheureusement pas être présent.es.

L’exemple de l’usine collective de GKN est particulièrement inspirant et édifiant et n’est pas sans rappeler celui de l’usine autogérée VIOME en Grèce.

À Venise, conduire un bateau est une affaire d'hommes, de mâles, bien virils...

Alors les femmes d'ADL Cobas ont créé une association de femmes pour passer le permis bateau. Et de plus en plus de vénitiennes se sentent concernées et passent ce permis.

Il faut dire que dans cette cité, pouvoir conduire un bateau est une chose importante qui peut servir dans beaucoup de cas et notamment pour militer

(hier pendant l'action, il y avait aussi des filles conduisant les bateaux).

(NB : un documentaire sur cette association fait par Arte va bientôt passer à la TV : « Arte regards, Venise, place aux femmes »)

Le vendredi 9, le débat ayant pour thème « Décolonisation, décroissance, perturbation » a réuni Vandana Shiva (Inde), Ilham Rawoot (Les amis de la Terre Mozambique),Havin Guneser (kurde) et Mario Quintero (Mexique : Asamblea de Pueblos Indígenas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio et CNI).

Chaque invité.e a bien expliqué les dangers de la pollution dans son pays, et la responsabilité des gouvernants et du capitalisme, mais Havin a eu un discours très intéressant, en insistant sur l'importance de l'organisation, pour pouvoir gagner.

Le samedi 10 septembre, c'est la Marche pour le climat, qui démarre devant la gare maritime du Lido et défile pendant près de 2h.

Personne n'a compté les manifestant.e.s mais je dirais qu'on approchait des 700 personnes. Des jeunes de toute l'Italie et des militant.e.s d 'ADL Cobas de Venise, Padoue et Florence principalement.

Le but était de s'approcher le plus possible de l'hôtel où avait lieu en même temps la remise des Lions d'Or du festival de cinéma. La police nous attendait de pied ferme avec des lances à eau. Les jeunes avaient préparé des « boucliers climatiques », joliment ornés de baudruches en forme de dauphins, poissons et canards d'un côté et de solides poignées de l'autre, pour se protéger de la police et de leurs lances à eau. Malheureusement, quand les jeunes ont essayé de forcer le barrage qui empêchait l'accès à l'hôtel, ces boucliers n'ont pas empêché quelques arrosages musclés et il y a eu quelques blessé.e.s par la force de l'eau.

La presse et la télé régionale et nationale ont assez bien relayé l'événement.

Ce fut un plaisir de voir autant de très jeunes filles et garçons aussi bien organisé.e.s (même s'ils ont été aidée.s par ADL Cobas)

Plus que jamais, il s’agit d’abattre les frontières de classes et de communautés établies par un système colonial, capitaliste et patriarcal et de construire la transition écologique avec les travailleur.ses elles et eux mêmes.

La crise écologique et climatique est l’affaire de toutes et tous et n’est évidemment pas déconnectée des conditions de travail des travailleur.ses. Penser la conversion des industries et énergies polluantes, partager équitablement les biens communs, c’est se ressaisir des moyens de production, répartir les richesses et améliorer les conditions de travail !

Changer le système par et pour toutes et tous et pour un autre monde !

Le site d’ADL Cobas : adlcobas.it