Aujourd’hui se tient à Amiens le procès en appel des 8 de GOODYEAR, condamnés en 1 ère instance à 24 mois de prison dont 9 mois fermes et 5 ans de mise à l’épreuve… pas moins… pourtant même la direction de Goodyear et les 2 cadres (soit disant séquestrés) avaient retiré leur plainte… cela n’a suffi ni au procureur ni au tribunal qui doivent avoir des comptes à régler, ou à qui on demande de régler des comptes.
Pourquoi une condamnation aussi lourde ? Pour avoir osé se battre et refuser le licenciement des 1173 salariés de l’usine d’Amiens Nord. Pourtant, c’est grâce aux syndicats que les salariés ont pu, pendant 7 ans, tenir tête à un groupe qui voulait leur peau, coûte que coûte.
Comme dans l’affaire TEFAL dont le procès en appel de Laura PFEIFFER, inspectrice du travail et du lanceur d’alerte de TEFAL a eu lieu le 14 septembre à Chambéry, le procureur y est allé de ses foudres, le tribunal local s’est lâché, les condamnant tous deux à de lourdes peines pour avoir dénoncé les pressions de TEFAL et y avoir résisté.
Comme dans le procès des 16 salariés d’Air France convoqués devant le Tribunal correctionnel de Bobigny, le 27 septembre. Là encore, le procureur n’a pas hésité à les traiter de « casseurs », de « voyous », il est allé jusqu’à requérir des peines de prison 2 à 4 mois avec sursis.
Ces 1ers procès en appel marqueront sans aucun doute les suivants, ceux de tous les militants eux aussi victimes de répressions anti syndicales… Ces procès sont ceux de tous les militantes et militants qui luttent. Quand la justice les attaque c’est nous tous qui sommes attaqués.
A ceux-là se rajoutent les dizaines de procès « dans l’ombre » où les syndicalistes, militant-es, où ceux ou celles qui ont fait le choix de résister à l’injustice, et qui se multiplient. Des centaines de personnes mobilisées lors de la loi travail, de Solidaires, ou d’autres syndicats, de simples manifestant-es des lycéen-es ont aussi été condamnées à des peines, avec parfois des dommages et intérêts sans commune mesure avec les actes reprochés (à Amiens, plusieurs manifestants condamnées à plus de 80.000 euros de dommages et intérêts pour quelques pneus brûlés). Et ils ou elles sont encore nombreux à attendre leur procès, comme Loïc de Jolie môme, comme les dockers du Havre, comme de nombreuses et nombreux cheminots. La répression s’abat aussi désormais contre celles et ceux qui mènent des actions de solidarité avec les migrant-es. Elle s’abat contre toutes celles et ceux qui refusent cette société et veulent un monde plus juste.
Oui la mobilisation contre la Loi travail aura marqué un tournant dans notre pays, celui d’une régression pour les libertés fondamentales et notamment celle de manifester, avec des fouilles, des nassages, un contact permanent des « forces de l’ordre » avec les manifestants, des gazages massifs, et l’utilisation de véritables armes, grenades de désencerclement, flash ball...Laurent Théron, notre camarade de Solidaires, de Sud APHP en a perdu l’usage d’un œil le 15 septembre dernier, comme également précédemment un étudiant à Rennes, sans parler des innombrables manifestant-es blessées. Aujourd’hui c’est la liberté même de manifester qui est remise en cause.
Les attaques contre les libertés syndicales se multiplient, elles sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes. Beaucoup de militants sont poursuivis comme des criminels pour avoir dénoncé, combattu, refusé de baisser la tête ou pour tout simplement avoir manifesté. La répression anti syndicale, plus forte que jamais, remet en cause la liberté d’adhérer au syndicat de son choix, le droit de manifester, le droit de grève, elle s’attaque au syndicalisme de luttes, au syndicalisme indépendant, celui qui donne une place centrale à l’expression des salariés et à la construction de rapport de force, à …
Le gouvernement et le patronat ne supportent plus ceux qui défendent leur emploi, ceux qui résistent au capitalisme et qui luttent pour un monde meilleur et ils ont à leur service une justice de classe. Ils ne supportent plus que nous puissions organiser des luttes, construire des syndicats. Ils veulent enfermer l’activité syndicale dans des salons, dans un cadre institutionnel de discussion et d’accompagnement des réformes. Ils ne tolèrent ni les désaccords ni la colère sociale.
Pourtant, c’est la justice qui devrait avoir le courage d’expédier en prison les nombreux patrons délinquants… les délinquants aux chemises impeccablement repassées qui broient nos corps dans les usines, dans les entreprises, dans les chantiers, les commerces, qui laisse ici une salariée faire un AVC sans réagir, ou qui conduisent par leurs méthodes de nombreux travailleuses et travailleurs au suicide.
Oui rien ne justifie que la sévérité des parquets et des tribunaux ne soit pas la même pour les patrons poursuivis pour avoir, par négligence ou par leur faute personnelle, permis un accident du travail mortel, des lésions définitives qui handicaperont à vie un salarié, des maladies professionnelles…Comment expliquer que tant de procédures pénales engagées à l’encontre de ces patrons soient classées sans suite ? L’amiante, 100 000 morts, aucun procès, aucun coupable.
Oui nous syndicalistes de luttes nous sommes solidaires des camarades poursuivis et trainés devant les tribunaux pour avoir tenté de résister et de défendre les droits des salariés. Oui nous sommes solidaires quelles que soient leurs étiquettes syndicales, quelles que soient leurs pays, quelles que soient leurs entreprises car nous sommes du même côté de la lutte.
Oui nous sommes Solidaires car nous sommes les témoins directs de la violence des charges patronales contre les organisations syndicales, contre nos militantes et militants, dans les entreprises en lutte, bien souvent pour défendre leur emploi contre des multinationales ou des groupes qui n’ont cure des milliers d ‘emplois supprimés.
Nous savons combien les combats sont difficiles et éprouvants, combien il est difficile pour des salarié-es d’apprendre leur licenciement, de voir leur vie s’écrouler. Oui elles sont là les vraies violences, ils sont là les vrais crimes.
Nous devons rester ensemble, unis et debout pour refuser l’inacceptable, défendre nos droits pied à pied, ne rien lâcher. Nous devons exiger le respect des libertés syndicales, l’arrêt des poursuites judiciaires pour les camarades incriminés injustement et une loi d’amnistie pour celles et ceux déjà condamnés.
Toutes et tous, les camarades doivent pouvoir se battre ensemble, il est des causes pour lesquelles tous ceux qui s’opposent doivent pouvoir dire : seul le nombre fera notre force, c’est sur nous et sur nous seul qu’il faut compter pour nous unir et combattre !
En face, la lutte des classes, eux, ils ne l’ont jamais abandonné. Ils peuvent bien pendant des mois faire semblant de s’opposer, sur le fond ils ont le même projet, ils défendent les mêmes intérêts. Nous, à chaque fois que nous nous divisons, à chaque fois que nous refusons l’unité de celles et ceux qui luttent, nous laissons nos droits reculer, nous abandonnons notre classe.
John Steinbeck dans ’Les Raisins de la colère’ écrivait ’’La répression n’a pour effet que d’affermir la volonté de lutte de ceux contre qui elle s’exerce et de cimenter leur solidarité….’
Alors oui à chaque procès soyons plus nombreux, plus forts, plus déterminés, plus unitaires et plus solidaires. Ne faisons pas que résister, luttons, le jour, la nuit, soyons debout !
Article publié le 21 octobre 2016