Financement arbitraire de l’enseignement privé sous contrat : Stanislas versus Averroès

Si on peut saluer la mise en place de nouveaux protocoles de contrôles de l’État, depuis la rentrée 2024, dans les établissements privés sous contrat, force est de constater qu’ils restent insuffisants voire sans effet.

Les révélations médiatiques dénoncent toujours plus de pratiques et de dérives scandaleuses ; et la délicate question des financements publics de ces établissements et de la responsabilité de l’État semble rester insoluble !

« Connivence » de l’État dans le financement de l’entre-soi et de la domination de classe

La n°2 du ministère de l’Éducation, Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire, est directement mise en cause dans le récent rapport de la commission parlementaire des affaires culturelles et de l’éducation. Cette commission est chargée, depuis le 21 février 2025, de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires.

Le mercredi 21 mai dernier, dans le cadre de cette enquête, la commission des affaires culturelles a entendu : le matin, les inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, chargés de l’enquête administrative au collège Stanislas de 2023 ; et, l’après-midi, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Au cours de l’audition de deux des inspectrices, il a été entendu qu’un paragraphe, signé par Caroline Pascal, a été ajouté à lettre de transmission qui résume le rapport d’inspection et qui est destinée au ministre de l’Éducation. Les députés Violette Spillebout, Ensemble pour la République (EPR), et Paul Vannier, La France insoumise (LFI), corapporteurs parlementaires spécifient que cet ajout s’avère être « en complète contradiction avec le contenu du rapport d’inspection ».

Au moment de l’enquête, Caroline Pascal était cheffe de l’inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche (IGÉSR). Elle avait désigné les inspecteurs généraux chargés de cette mission par courrier adressé au directeur de cabinet le 12 mai 2023. Pour rappel, la saisine avait été effectuée le 21 février 2023 par le directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, afin de diligenter une enquête administrative au collège Stanislas.

À la suite de ces nouvelles révélations, le 10 juin dernier, les deux députés Violette Spillebout et Paul Vannier ont cosigné une lettre adressée à Élisabeth Borne, actuelle ministre de l’Éducation nationale, dans laquelle ils interrogent « l’intégrité professionnelle » de la no2 du ministère. Elle est accusée d’avoir « invisibilisé les violences homophobes et sexistes », alors qu’elle était cheffe de l’inspection générale de l’éducation et qu’était placée, sous sa responsabilité, l’enquête qui visait le collège privé catholique sous contrat Stanislas.

On se souvient que la région Île-de-France, qui reconnaissait le 19 janvier 2024 des « manquements » au sein de l’établissement, avait tout de même décidé de maintenir son financement « à partir du moment où l’État maintient le contrat d’association ». Pourtant, le rapport de l’enquête commandée par Caroline Pascal faisait déjà état de « dérives » homophobes, sexistes, d’humiliations et de pratiques non conformes avec la loi qui régit la relation de l’école privée sous contrat avec l’État.

Alors que les politiques budgétaires d’austérité étouffent l’école publique, le financement de l’enseignement privé sous contrat relève d’une opacité inquiétante.

Dans quelle mesure les ministres actuellement au gouvernement, ancien·nes élèves d’établissements privés sous contrat protègent-ils·elles les dérives de ces derniers ? Quel est le poids réel de l’enseignement catholique dans notre système éducatif ? Lorsque l’on voit que les diocèses orchestrent les mutations des maîtres dans les établissements privés catholiques sous contrat par exemple et que le rectorat n’est plus qu’une chambre d’enregistrement, nous sommes en droit de nous demander si le ministère est encore en mesure d’assurer la sécurité de ses personnels et de millions d’élèves.

C’est avec peine que les établissements privés sous contrat d’autres confessions ou laïcs existent dans ce paysage.

Victoire fragile contre l’arbitraire et l’insuffisance de l’État

Le lycée privé Averroès retrouve son contrat d’association. La décision du 23 avril dernier, rendue par le Tribunal administratif de Lille, a annulé celle du préfet du Nord du 7 décembre 2023 qui résiliait le contrat d’association liant l’établissement Averroès à l’État en application des articles L. 442-10 et R. 442-62 du Code de l’éducation.

Le jugement précise qu’« en procédant à la résiliation du contrat d’association à l’enseignement public souscrit par l’association Averroès, le préfet du Nord a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ». C’est une victoire pour le comité social et économique (CSE) du groupe scolaire Averroès et le SUNDEP Solidaires de l’académie de Lille, SudEnseignement privé, qui avaient formulé une requête et un mémoire les 9 janvier et 18 décembre 2024 auprès du Tribunal administratif de Lille. 

Le Tribunal administratif de Lille, en rendant son jugement le mercredi 23 avril, balaie tous les arguments du préfet du Nord. C’est une grande victoire pour l’ensemble des parties prenantes du lycée Averroès, élèves, parents, association, personnel. Notre syndicat a apporté dès le premier jour son soutien aux personnels et cette victoire nous conforte. En effet, tout est loin d’être fini : des collègues sont sans emploi, en disponibilité ou ont dû muter dans un autre établissement, des CDD n’ont pas été renouvelés, les collègues sont tous et toutes épuisé·es par ces années d’incertitude.

Jusqu’à ce jour le rectorat n’avait pas encore réagi, ni pris les mesures nécessaires pour permettre à nos collègues de restaurer l’ensemble de leurs droits. Le SUNDEP Solidaires réaffirme qu’il continuera de soutenir les collègues jusqu’à ce qu’iels soient rétabli·es dans leurs droits et justement indemnisé·es de tous les préjudices subis. 

Le ministère de l’Éducation a déposé un appel du jugement du 23 avril 2025 en Conseil d’État. Nous déplorons cette décision qui n’entre pas dans un cadre d’apaisement mais plutôt attise les tensions à caractères racistes ou xénophobes dans notre société, d’autant plus que cet appel du jugement confortera certainement la précédente issue.

Sur le fond, la résiliation du contrat montre toute la discrimination faite par le gouvernement entre les établissements catholiques dont l’impunité est patente, même en cas de dossiers pédocriminels, et les établissements musulmans dont les préfectures cherchent le moindre petit incident pour résilier le contrat.

À ce titre, si une telle rigueur était appliquée aux écoles catholiques, de très nombreux établissements n’auraient plus de contrat. Mais avec une probabilité d’une inspection d’un établissement catholique tous les 1 500 ans, cela ne risque pas d’arriver !

Une fois de plus, nous pouvons constater qu’avec des campagnes d’islamophobie, le gouvernement cherche à diviser les Français·es alors que les questions du pouvoir d’achat, de retraite, d’urgence écologique, de services publics (hôpital, école…) se posent.

Le Sundep Solidaires défend la laïcité donc la liberté de conscience pour tous les élèves et les enseignant·es de l’enseignement privé sous contrat avec l’État. 

À lire ou relire sur nos sites académiques :

« Motion d’actualité en soutien aux personnels du Lycée Averroès de Lille », 13 novembre 2023, sur le site du Sundep-Solidaires 59‑62 ;

« Averroès : déclaration commune Sud Éducation 59 et Sundep Solidaires académie Lille », 16 janvier 2024, sur le site du Sundep-Solidaires 59‑62 ;

« De quoi les lycées Averroès et Stanislas sont-ils le nom ? ou Comment la domination de classe se joue au sein des établissements privés sous contrat », 26 janvier 2024, sur le site du Sundep-Solidaires ;

« Averroès : communiqué de presse », 7 juin 2024, sur le site du Sundep-Solidaires 59‑62 ;

« Financement des établissements privés sous contrat : Stanislas », 26 août 2024, sur le site du CréSEP ;

« Motion d’actualité relative au lycée Averroès », 23 avril 2025, sur le site du Sundep-Solidaires 59‑62.