Non, notre système de retraites n’est pas en péril !

Emmanuel Macron, le gouvernement et les partisans du recul de l’âge de départ prétendent sauver le système de retraite soi-disant en péril à cause d’un déficit croissant des comptes. Ils reconnaissent un léger excédent en 2021 (0,9 milliard) et en 2022 (3,2 milliards) mais annoncent un déficit (10,7 milliards) en 2027… sans préciser qu’il en est le responsable !

La baisse des recettes (0,3 point de PIB) est en effet provoquée par l’austérité salariale et les exonérations de cotisations, les dépenses et donc le versement des pensions de retraites étant quasiment stables (+ 0,1 point de PIB). Ils ne disent pas qu’à partir de 2030, le système serait à l’équilibre (entre + 1,5 % du PIB avec la meilleure croissance économique et – 1,8 % dans la plus mauvaise).

Ils ne citent pas la bagatelle de 206 milliards (8,3 % du PIB) dans l’ensemble des réserves des systèmes de retraite par répartition, qui permettent d’amortir les à-coups !

Plus sérieux, le Conseil d’Orientation des Retraites COR s’appuie sur une donnée économique plus pertinente (et seule valable à ses yeux), la part des dépenses de retraite dans les richesses disponibles, c’est-à-dire dans le PIB, qui est « un indicateur déterminant pour évaluer la soutenabilité financière du système de retraite ». Son rapport de septembre 2022 pronostique, après le pic à 14,7 % en 2020 :

- jusqu’en 2027, une part stable de 13,8 %,

- jusqu’en 2032, une légère augmentation, sous l’effet de la forte contraction du PIB (ralentissement économique lié à la remontée du taux de chômage passant de 5 à 7 %),

- puis une nouvelle baisse dans tous les scénarios économiques (sauf une stabilisation dans le plus mauvais)

- pour arriver en 2070 à une baisse dans 3 scénarios (jusqu’à 12,1 % du PIB) et, dans le plus mauvais, une stabilité à 14,7 % du PIB.

Tous ces pronostics dans 50 ans sont supposés justes alors que les rapports se succèdent et se contredisent plus ou moins d’une année sur l’autre. Très souvent, de telles « expertises » servent à cacher les choix politiques et idéologiques.

Finalement, la part dans le PIB des dépenses de retraite reste plutôt stable alors que le nombre de retraités augmente de 1,7 % en moyenne chaque année : chaque retraité-e a une part de PIB de plus en plus faible à cause des « réformes » déjà prises. Cela se traduit, selon le COR, par une baisse de la pension moyenne relative au revenu d’activité moyen qui passerait de 50,3 % en 2021, entre 32,6 % et 39,4 % en 2070. La pension nette moyenne progresserait trois fois moins que le revenu net d’activité moyen (entre 0,2 % et 0,5 % par an contre 0,7 % à 1,4 %). S’il y a un problème c’est plutôt dans le montant des pensions toujours plus faibles !

La vraie cause de la volonté de reculer l’âge de départ

Elle commence à être affirmée ouvertement, y compris de la part du gouvernement « les économies de dépenses des retraites serviront à payer l’école, la perte d’autonomie, la transition énergétique, l’hôpital, … ». Il reconnait ainsi que les autres arguments, démentis par le COR, ne tiennent pas « On vit plus longtemps, DONC il faut travailler plus longtemps », « notre système par répartition (auquel nous tenons tous) doit être sauvé DONC il faut travailler plus longtemps » …

Ce choix politique découle d’autres : le programme de stabilité de juillet 2021 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 imposent de ramener le déficit public sous les 3 % de PIB en 2027, en diminuant l’ensemble des dépenses à + 0,6 % par an (hors inflation) sur le quinquennat. Mais un quart des dépenses est constitué des dépenses de retraite qui devraient augmenter de 1,8 % par an, du fait du vieillissement de la population. Le respect de l’objectif se traduit pour une limitation des autres dépenses de 0,2 % par an, mission impossible. Le gouvernement veut baisser les dépenses de retraite pour payer d’autres dépenses.

Cette politique montre un choix de société :

Paupériser les retraités, davantage que ce qui est prévu sous l’effet des mesures déjà prises :

- Le niveau de vie des retraités, actuellement proche de celui des actifs, va baisser dans tous les scénarios du COR : - 5 % à - 10 % en 2040 et - 13 % à - 25 % en 2070, soit un retour à la situation des années 1980 !

- Le taux de remplacement (montant de la pension par rapport à l’ancien salaire) sur l’ensemble du cycle de vie du non-cadre du privé diminuerait uniformément au fil des générations, passerait de 74,3 % pour la génération 1940 à une valeur comprise entre 56,6 % et 67,5 % pour la génération 2000.

Pour tenter d’éviter une explosion sociale causée par la misère, E. Macron propose en même temps d’appliquer une disposition de la loi retraite de 2003, porter le minimum vieillesse à 1 100 € pour les personnes ayant cotisé pendant 43 ans. Mais ce n’est jamais que le seuil de pauvreté… Il pourrait aussi permettre de partir avant 65 ans aux personnes ayant subi des métiers pénibles, après avoir supprimé des critères de pénibilité…

Cette paupérisation donne l’image d’une retraite de plus de plus en plus faible, le nouveau report de l'âge de la retraite laisse penser à beaucoup qu'ils devront partir avant, avec une retraite très dégradée, tout cela incite celles ceux qui le pourront à se tourner vers une retraite par capitalisation pour compléter leurs revenus et pour enrichir davantage les dirigeants de ces fonds financiers.

Transformer la notion de cotisations sociales déjà mise à mal. Les cotisations retraites des actifs ne serviraient plus à payer les pensions des retraités (principe du système par répartition), mais entreraient dans le budget de l’État pour payer aussi tout autre chose. Plus largement, c’est le choix de baisser les impôts, notamment des plus riches et des entreprises, et, pour compenser cette baisse, de réduire les services publics, puiser dans les cotisations sociales et de faire travailler plus celles et ceux qui le peuvent, dans de mauvaises conditions. Travaillez plus pour enrichir les riches !

Tenter de maintenir au travail les anciens le plus longtemps possible pour augmenter le chômage à un niveau très élevé, notamment celui des jeunes, et faire pression à la baisse sur les salaires, les conditions de vie et de travail. Il faut savoir que 9 fois sur 10, l’embauche d’un jeune correspond au remplacement d’un départ à la retraite !

Un autre choix de société est possible

Le COR indique plusieurs façons de maintenir l’équilibre des comptes sur les 25 prochaines années dans le scénario d’une croissance de 1 % :

- Une mesure appuie nos revendications : augmenter les cotisations « dans le scénario 1 % de croissance, l’équilibre sur les 25 prochaines années pourrait être assuré en augmentant dès 2022 de 0,9 % (ou 1,4 % selon la convention) le taux de prélèvement ».

Une revendication va dans le même sens, mais le COR ne le dit pas : la CNAV (la caisse de retraite de base du privé) a calculé en 2010 que l’égalité des salaires des femmes avec ceux des hommes lui ferait gagner 11 milliards d’euros, soit une augmentation de 14 % de son budget.

- Diminuer les pensions de 4,6 % (ou 2,8 selon les conventions) dès 2022, par le gel ou la sous-revalorisation des pensions, mesures très impopulaires.

- Reculer l’âge de départ à 64,1 ou 64,3 ans en 2032 et 63,7 ou 65,4 ans en 2070, soit plus et plus rapidement que l’évolution « naturelle » qui imposera un départ à 64 ans en 2040 du fait de l’application des lois déjà votées.

Le gouvernement refuse la première et utilise la deuxième et la troisième.

Pour nous, augmenter les cotisations, c’est possible, car de l’argent, il y en a, dans tous les impôts et toutes les cotisations sociales supprimés pour les très riches (suppression de l’ISF, plafonnement de la taxation des dividendes, suppression d’impôts de production, fraude fiscale et sociale des très grandes entreprises, laxisme à l’égard des paradis fiscaux, exonération de cotisations sociales jusqu’à 2,4 fois le SMIC, etc.), et dans tous les impôts que Macron refuse de mettre ou de remettre en place aujourd’hui (comme taxer les superprofits réalisés par les spéculateurs, etc.).

Avec un meilleur partage des richesses et l’augmentation des cotisations, nous revendiquons :

  • La retraite à 60 ans avec 37,5 annuités, sans décote.
  • 5 ans de départ anticipé sur cet âge légal pour pénibilité.
  • Pas de retraite ni d’indemnité chômage en dessous du SMIC porté à 1700 euros.
  • L’intégration des retraites complémentaires dans le régime de base de retraites.
  • Une semaine à 32 h sans perte de salaire ni flexibilité (partage du travail).
  • Des embauches massives dans les services publics et les secteurs écologiques.

D’autres éléments figurent sur le site de Solidaires :

- Mai 2022 : dossier sur les retraites (solidarités, justice sociale, partager le travail et les richesses, égalité femmes/hommes) https://solidaires.org/sinformer-et-agir/les-journaux-et-bulletins/expressions-solidaires/journal-n104/dossier-sur-les-retraites/

- Juin 2022 : dossier « Arguments contre le recul de l’âge de départ en retraite » : les mauvais prétextes pour reculer le départ, les conséquences qu’aurait un recul notamment l’augmentation des inégalités. https://solidaires.org/sinformer-et-agir/brochures/argumentaires/argument-pour-une-fiche-argumentaire-sur-le-recul-de-lage-de-depart-en-retraite/

- Juin 2022 : stop aux mensonges https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/nationales/report-de-lage-de-la-retraite-stop-aux-mensonges/

- Septembre 2022 : La réforme des retraites annoncée pour 2023: la fuite en avant ! https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/la-reforme-des-retraites-annoncee-pour-2023-la-fuite-en-avant/

- Septembre 2022 : Réforme des retraites : ce que veut le gouvernement travailler plus et plus longtemps pour de petites retraites ! https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/nationales/reforme-des-retraites-ce-que-veut-le-gouvernement-travailler-plus-et-plus-longtemps-pour-de-petites-retraites/

- Octobre 2022 : Préparons activement la bataille des retraites https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/preparons-activement-la-bataille-des-retraites/

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