Mineur∙es, jeunes majeur∙es migrant·es : défendre leurs droits, c’est défendre nos valeurs !

Dans leur croisade contre les personnes en situation de migration, les gouvernements successifs ne cessent de vouloir se débarrasser du « problème » (à leurs yeux) des mineur·es non accompagné·es. Hélas pour eux, et bien heureusement, un∙e mineur∙e étranger∙e n’est jamais en situation irrégulière au regard de la Convention des Droits de l’Enfant ! Voilà pourquoi d’énormes efforts sont mis en place pour les mettre en pâture à l’opinion publique, souvent en les soupçonnant d’être majeur∙es, et en organisant de plus en plus souvent des entorses à leurs droits fondamentaux !

Nous assistons à de graves atteintes à l’intérêt supérieur de l’Enfant, défini par les Conventions internationales, dont la France est pourtant signataire. De nombreux rapports des Défenseurs des Droits en attestent. Avant d’être migrant·es et étranger∙es, quel que soit leur âge, ces jeunes sont vulnérables et doivent être avant tout protégé·es ! À travers nos valeurs de solidarité et de dignité, nous avons tou·te·s la responsabilité de leur accueil et de leur prise en charge ; et en particulier celles et ceux parmi nous qui travaillons dans les métiers de l’accompagnement, des soins, de l’enseignement, de l’apprentissage. Voilà pourquoi, il nous faut nous mobiliser pour défendre nos valeurs, nos missions de service public, et par là même contrer le rouleau compresseur qui menace de submerger notre société dans une grande vague xénophobe !

Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy place Beauveau, les droits des mineur·es isolé·es étranger·es n’ont cessé de se restreindre. À l’époque, des mobilisations de collectifs de travailleurs/euses sociaux/ales ont néanmoins évité le pire. De l’acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans, on est passé à des conditions d’ancienneté : arrivée avant 15 ans pour la nationalité française et avant 16 ans pour un droit à un titre de séjour vie privée et familiale, le tout conditionné à l’absence de relations avec la famille d’origine et des études sérieuses ou une formation qualifiante — injonction paradoxale quand on connaît les difficultés à l’heure actuelle pour être scolarisé !

L’évaluation de minorité : des pratiques contestées et uniquement réservées aux mineur·es étranger·es

Avant d’être confié∙es à l’Aide Sociale à l’Enfance, les mineur·es non accompagné·es font l’objet préalablement d’une « évaluation » (bien souvent sous forme d’interrogatoire) de leur minorité avec un dispositif « évaluateur » dans les mains des Conseils Départementaux et avec un Juge des Enfants qui disparaît peu à peu et dont le pouvoir qui se délite face aux financeurs. On comprend les risques de dérives…

Les jeunes qui arrivent sur le territoire sont systématiquement envoyé·es à la Préfecture dès leur arrivée pour se faire ficher et surtout vérifier une éventuelle trace informatique qui les rendrait majeur·es.

La chasse aux faux/sses mineur·es est lancée, sans s’embarrasser de la « présomption de minorité » prévue par la loi. Au passage, on égratigne la déontologie de la médecine, en multipliant les tests osseux, dont le monde scientifique, et la jurisprudence, s’accordent pourtant à dire qu’ils ne sont pas fiables, ou l’éthique du Travail social, en demandant à des travailleurs/euses sociaux/ciales — dont ce n’est pourtant pas le métier — d’analyser des incohérences dans le discours de certain∙es jeunes. Ceci afin que certains Conseils Départementaux puissent les rendre soudainement majeur·es, avec toutes les conséquences que l’on connaît.

Cette évaluation est une véritable épreuve puisque non seulement leur récit et leur âge sont remis en question (ils/elles sont soupçonné·es de fraudes et de mensonges) mais on leur demande aussi de donner les détails et de se souvenir de leur parcours d’exil qui a très souvent été traumatisant (passage par la Libye, traversée de la Méditerranée, du désert, violences subies…), ce qui est contraire à « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

À la suite de cette évaluation, environ la moitié des jeunes sont reconnu·es mineur·es et les autres doivent entamer un véritable parcours du/de la combattant∙e pour tenter de réunir les preuves nécessaires (documents d’identité) pour convaincre le Juge de leur minorité. Ils/elles en ont de moins en moins le temps, et les arrestations dès leur présomption de majorité se multiplient. Il faut le savoir ! Les délais sont très longs et les démarches sont onéreuses.

En attendant, les adolescent·es et jeunes majeur·es ou mineur·es non reconnus, sont livré·es à eux/elles-mêmes, souvent dans la rue, pour les plus chanceux/euses, pris en charge par des réseaux de solidarité, ou avec quelques nuitées d’hôtels, et de plus en plus souvent, arrêté·es, placé·es en rétention dans les centres de rétention administratives (CRA) et pour certain·e·s expulsé·es avant même de pouvoir faire un recours devant le Juge.

On en arrive à des situations absurdes qui ne font même pas sourciller le législateur. Ici ce jeune radiographié qui a un poignet de 17 ans, des dents de 22 ans… Là c’est ce jeune Congolais de 14 ans, qui a grandi de 20 cm en quelques mois, dont la PAF aurait retrouvé une empreinte sur VISA BIO, et qui vieillit soudain de 15 ans, ce qui a permis à la Préfecture de vouloir le renvoyer… au Gabon ! Là encore, ce jeune en France depuis 7 ans, qui reçoit soudainement une OQTF parce que ses résultats scolaires, quand il était à l’école, 5 ans en arrière, n’étaient pas suffisamment corrects…

QUAND LA MÉDECINE SE MET AU SERVICE DU CONTRÔLE SOCIAL : LES TESTS OSSEUX
Depuis des années, des associations dénoncent régulièrement l’utilisation des tests osseux en cas de doute sur la minorité d’un∙e jeune migrant∙e. Pour rappel, ces tests consistent en des radiographies des poignets, mains, doigts, qui sont ensuite comparées à des mesures d’une population Nord-américaine en bonne santé, recensées dans l’atlas dit de Greulich et Pyle (1959). Or, il existe une marge d’erreur conséquente (fiabilité évaluée à 40 %) qui s’accentue entre 16 et 18 ans. Ces tests sont donc largement contestés du fait de leur caractère clinique, car ils ne prennent pas en compte le développement des enfants et adolescent∙es dans des conditions sanitaires « saines » et avec un apport nutritionnel quotidien de qualité. En outre, ils posent un problème éthique et déontologique en instrumentalisant la médecine et en soumettant de jeunes gens à des radiations sans aucune justification médicale. Il faut rappeler que les tests sont effectués avec le « consentement éclairé » du /de la jeune : mais si celui ou celle-ci refuse, il/elle apporte lui/elle-même le doute sur sa minorité.
L’Union syndicale Solidaires revendique :
– l’application de la présomption de minorité. Non aux évaluations interrogatoires. Oui a de réelles évaluations tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ;
– l’arrêt de la contestation de statut de mineur∙es sous prétexte de suspicion de majorité (méthodes physiologiques ou morphologiques type test osseux et autres « expertises » médicales...) ;
– la re-judiciarisation des prises en charge. Seul le juge doit rester compétent pour les mineur∙es mais aussi pour les jeunes majeur∙es et ré-introduction de la mesure de protection jeune majeur (PJM).